La dénonciation des migrants en Belgique pointée par le Conseil de l’Europe

Les autorités belges doivent veiller prioritairement à ce qu’aucun prestataire de service – qu’il soit public ou privé – ne soit tenu de signaler des personnes qu’il soupçonne en situation irrégulière à des fins de contrôle de l’immigration, affirme mercredi la chambre du Conseil de l’Europe chargée de la lutte contre les discriminations. “Les migrants devraient pouvoir jouir de leurs droits sans peur d’être dénoncés aux services de l’immigration”, enjoint la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) dans son rapport quinquennal sur la Belgique, publié ce mercredi.
L’ECRI érige cette recommandation en priorité, qui fera l’objet d’un suivi de sa part au plus tard avant deux ans.
Certes, dit-elle, des pare-feux sont prévus pour l’accès à l’éducation pour les mineurs, ou pour les soins de santé et le logement. Mais dans certains cas, “il n’est pas aussi simple pour les migrants en situation irrégulière de jouir de leurs droits sans risquer d’enclencher des mesures de contrôle de l’immigration et d’expulsion.”
Elle cite l’exemple de personnes en séjour irrégulier et qui sont victimes de délits: “il demeure problématique pour ces personnes d’exercer leur droit de déposer une plainte dans un établissement de police sans courir le risque d’être arrêtées”.
L’Office des étrangers s’est engagé informellement à ne pas détenir les étrangers qui se sont présentés spontanément à la police pour y porter plainte, mais l’obligation européenne de ne pas faire de discrimination sur la base du statut de résident n’est pas inscrite de manière concrète dans la législation belge, note l’ECRI.
Cette dernière souligne aussi le cas des travailleurs en séjour irrégulier qui veulent récupérer – au besoin par des actions en justice – des arriérés de salaire dus par leur employeur. Depuis 2016, toute personne qui travaille clandestinement commet une infraction et encourt une amende administrative, “ce qui représente un obstacle important à la récupération du salaire et une atteinte au principe de non criminalisation des victimes.”
La commission du Conseil de l’Europe formule une seconde recommandation prioritaire à la Belgique: relancer au plus tôt les travaux de la Commission d’évaluation de la législation fédérale relative à la lutte contre les discriminations, avec des nomination d’experts et des moyens suffisants.
Parmi les nouvelles recommandations formulées par l’ECRI figure également la mise en place rapide d’un organisme de promotion de l’égalité traitant des discriminations fondées sur la langue.
L’organe réclame aussi un système d’encodage commun entre la police et les parquets pour affiner la collecte de données sur les actes racistes et homophobes/transphobes.
D’autres recommandations portent sur la lutte contre les discriminations à l’école, le renforcement des parcours d’intégration, l’accès au logement des Gens du voyage, etc.
Mais l’ECRI relève aussi les progrès accomplis par la Belgique depuis l’adoption de son précédent rapport en 2013. Elle souligne ainsi le travail d’Unia (Centre interfédéral pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations), la bonne coordination avec Myria (Centre fédéral compétent pour la migration) et l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH). Elle note que la législation belge garantit le respect de la plupart des dimensions de la vie des personnes LGBTI, relève les initiatives de lutte contre les discours de haine et les violences, l’aide publique à l’intégration des migrants et les subventions pour l’aménagement de terrains de transit pour les Gens du voyage.