Andrzej Wajda, conteur inlassable de l'histoire polonaise

Légende du cinéma mondial, le Polonais Andrzej Wajda, mort dimanche à 90 ans, a été pendant toute sa vie le chantre de la difficile histoire polonaise à laquelle il a su donner une dimension universelle, récompensée par un Oscar en 2000 pour l’ensemble de son oeuvre. Né le 6 mars 1926 à Suwalki (nord-est), Andrzej Wajda veut suivre l’exemple de son père, militaire de carrière, et tente, sans succès, d’entrer en 1939 dans une école militaire, à la veille de la Seconde guerre mondiale. Pendant l’occupation nazie, il commence à suivre des cours de peinture qu’il prolongera après la guerre à l’Académie des Beaux-Arts de Cracovie (sud), avant d’entrer dans la célèbre école de cinéma à Lodz (centre).

Son premier long métrage “Génération” (1955), un récit portant sur le sort de jeunes des faubourgs de Varsovie pendant l’occupation, a donné naissance à la célèbre “Ecole polonaise de cinéma”, courant où l’on entreprenait un débat sur l’héroïsme et le romantisme polonais. En 1957, Andrzej Wajda obtient à Cannes le Prix spécial du Jury pour son chef d’oeuvre sur l’insurrection de Varsovie en 1944, “Kanal” (Ils aimaient la vie). “Ce fut le début de tout”, avoua-t-il à l’AFP 50 ans plus tard. A partir des années 70, l’oeuvre d’Andrzej Wajda s’inspire du patrimoine littéraire polonais: “Le bois de bouleaux” (1970), “Les Noces”, (1972), “La Terre de la grande promesse” (1974).

En 1977, il présente au Festival de Cannes “L’Homme de marbre”, critique de la Pologne communiste, à qui il donne une suite trois ans plus tard dans “L’Homme de fer”. Le film, racontant pratiquement en temps réel l’épopée de Solidarité, premier syndicat libre du monde communiste, est récompensé par la Palme d’or à Cannes. Andrzej Wajda a offert sa Palme d’or à un musée de Cracovie. Elle y est exposée à côté d’autres trophées comme l’Oscar qui lui a été décerné en 2000 pour l’ensemble de son oeuvre.

Ses prises de position hostiles au régime de Jaruzelski l’incitent à réaliser des films à l’étranger. Il tourne alors “Danton” (1983) avec Gérard Depardieu, “Un amour en Allemagne” (1986), ou “Les Possédés” (1988) d’après Dostoïevski. Après la chute du communisme en 1989, Andrzej Wajda revient à l’histoire avec notamment “Korczak” (1990), “l’Anneau de crin” (1993) ou “la Semaine Sainte” (1995). Il adapte toujours au cinéma les grands oeuvres de la littérature polonaise comme “Pan Tadeusz, quand Napoléon traversait le Niemen” (1999) et “La Vengeance” (2002). Dans “Katyn”, nominé à l’Oscar en 2008, il raconte l’histoire tragique de son propre père, Jakub Wajda, qui fut l’un des 22.500 officiers polonais massacrés par les Soviétiques en 1940, notamment à Katyn.

Le film de Wajda consacré au leader du syndicat Solidarité Lech Walesa, intitulé “L’homme du peuple”, est sorti en salles en 2013. Il a été présenté lors du festival de Venise en sélection hors compétition. Amoureux du théâtre, Andrzej Wajda a également mis en scène une quarantaine de pièces, dont plusieurs présentées à l’étranger. Grand passionné de la culture japonaise, le cinéaste a créé en 1994 à Cracovie un centre de civilisation japonaise, Manggha. En 2002, il avait lancé sa propre école de cinéma et d’écriture de scénarios. Son dernier film, “Powidoki” (Après-image, 2016), qui a eu sa première en septembre au Festival de Toronto et qui n’est pas encore sorti dans les salles, sera le candidat polonais à l’Oscar.

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10 octobre 2016 - 10h05