Témoignage : la discrimination à l’embauche est bien une réalité à Bruxelles

Est-il plus difficile de trouver un travail quand on a des origines étrangères, alors qu’on a le même diplôme ? La réponse est oui, selon la première étude sur l’origine des chercheurs d’emploi. C’est un problème en Région bruxelloise. Et les femmes sont encore plus discriminées. L’une d’elles, nous a livré son témoignage (à voir dans ce reportage).

Les jeunes d’origine subsaharienne – une quarantaine de pour-cent pour onze pour-cent des Belges – constituent le groupe qui éprouvent le plus de difficultés à être accepté sur le marché du travail.

Le temps passé au travail sur une période de trois ans change également significativement selon les origines. Toujours en fonction des origines, certaines catégories de personnes cumulent les effets de plusieurs facteurs discriminants: les femmes d’origine maghrébine ou turque qui portent le voile tout en étant en moyenne plus diplômées que leurs homologues masculins et qui sont à la tête d’une famille monoparentale.

Le monitoring a été réalisé à la demande du ministre bruxellois de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Didier Gosuin, dans le cadre du plan de lutte contre les discriminations. C’est views.brussels -l’observatoire de l’emploi et de la formation de Bruxelles qui en a été chargé, en s’appuyant sur des cohortes de chercheurs d’emploi inscrits chez Actiris entre 2013 et 2016, et des données de la Banque Carrefour de la Sécurité Sociale.

La dimension de l’origine étrangère – à la naissance, ou né d’au moins un parent d’origine étrangère – a été croisée avec d’autres données comme le genre, le degré de formation ou encore le lieu de résidence.

79% des demandeurs d’emploi à Bruxelles sont d’origine étrangère

Au total, 79% des demandeurs d’emploi à Bruxelles sont d’origine étrangère. “C’est donc au cœur de notre métier”, a commenté à ce propos Grégor Chapelle, le directeur général d’Actiris, l’organisme public bruxellois de placement des chercheurs d’emploi. Celui-ci a pointé quelques-unes des 23 recommandations issues de cette première étude qui ne permet pas encore de mesurer l’impact des mesures prises par le gouvernement bruxellois l’an dernier en matière de lutte contre les discriminations, étant de ce fait amenée à être actualisée. Nul ne doute qu’elles figurent au centre des échanges entre négociateurs bruxellois à la recherche d’un accord pour constituer une majorité en Région-capitale. Il s’agira notamment, selon M. Chapelle, de consolider le rôle et les ressources du guichet antidiscrimination au sein d’Actiris; de conditionner l’octroi de toute aide à l’embauche, à la mise en œuvre d’un plan diversité en entreprise; ou encore d’introduire des objectifs chiffrés contraignants sur base de l’origine dans les plans de diversité des entreprises publiques locales et régionales.

Autres recommandations: inciter les partenaires sociaux à fixer des programmes d’action positive par secteur, mener une réflexion sur la diversité convictionnelle dans une perspective inclusive “car l’absence actuelle de règles est une forme de violence institutionnelle”, a commenté Grégor Chapelle; renforcer les outils de contrôle pour permettre à l’inspection régionale de mener des testings de manière pro-active; et enfin instaurer pour l’ensemble des chercheurs d’emploi la simplification et la gratuité de la procédure d’équivalence des diplômes. En affaires courantes, théoriquement encore pour deux à trois semaines, Didier Gosuin a lancé un appel aux entreprises, qui se montrent selon lui peu volontaristes en la matière.

“On peut avoir tous les outils que l’on veut et des aides à l’emploi pertinentes. Il n’en demeure pas moins que les entreprises sont rétives à mettre en place des outils contraignants. Elles prennent par exemple peu de jeunes en formation. Entre la volonté macro-économique affichée et la réalité de terrain, il y a un message qui ne passe pas. Or, engager local leur donne du pouvoir économique”, a-t-il souligné.

(avec Belga)

►Reportage d’Adeline Bauwin et Yannick Vangansbeek