Procès des gardiens de Forest : la procureure pointe une “intention de chacun d’entre eux de cacher ce qui s’est passé”

La substitute du Procureur du Roi a entamé vendredi matin son deuxième jour de réquisitoire, devant le tribunal correctionnel de Bruxelles, dans l’affaire des 22 agents pénitentiaires de la prison de Forest devant répondre de traitements inhumains et dégradants commis à l’égard de détenus entre 2014 et 2015. La directrice de l’établissement est également citée à comparaître pour négligence coupable après avoir envoyé à l’isolement un détenu atteint de troubles psychiques.

La substitute du Procureur du Roi s’est d’abord largement arrêtée sur l'”expédition punitive” du 3 avril 2014, qualifiée ainsi pour rendre compte de l’intention du groupe de gardiens quand il est descendu au cachot plusieurs heures après l’incident initial dans les douches. L’agent pénitentiaire Dany P. aurait coupé l’eau au détenu Y.S. alors qu’il devait encore rincer le savon qu’il avait sur lui. Le plaignant rapporte avoir fait l’objet de coups à cet endroit, avant d’être emmené au cachot. “Entre le moment où il a été placé dans le cachot et le moment où l’expédition punitive a lieu, il est resté mouillé, en slip et menotté dans ce cachot“, a-t-elle souligné. “Cela s’avoisine à plus ou moins 4 heures“.

Elle a noté que Jean-Marc T. a d’abord parlé d’une chute, pour justifier sa fracture du petit doigt, avant de parvenir à démontrer, sur base des déclarations de l’intéressé et du rapport du médecin, qu’il était en train de donner des coups de poings dans le visage du détenu quand il a raté un coup qui est allé dans le mur. Des nombreuses contradictions, elle dégage une “intention de chacun d’entre eux de cacher ce qui s’est passé“.

Pour appuyer la qualification d'”expédition punitive”, elle relève que Dany P., qui s’est joint au groupe se rendant en soirée au cachot, n’a pas été sollicité par manque de personnel, comme cela a été déclaré. En effet, il a été prouvé qu’un membre de l’équipe d’intervention, rencontré sur le trajet, avait proposé de les accompagner. “Si ça, ce n’est pas une expédition punitive, je ne sais pas ce qu’il en est d’une procédure normale”, a conclu la substitute du Procureur du Roi. “Je ne peux pas concevoir (…) que c’est une procédure normale“.

Quant aux traitements inhumains et dégradants, elle décrit le plaignant comme une personne déjà fragilisée, ce qui en fait une cible plus facile pour qui veut manifester de la violence. “Il se retrouve en cellule pour une raison totalement injustifiée après avoir fait l’objet d’une violence complètement disproportionnée“, continue la substitute du Procureur du Roi. “Il se retrouve seul contre 5 personnes et se fait passer à tabac. M.S. se recroqueville comme un animal apeuré“. Rappelant qu’il était encore en slip, elle a ajouté, sur base de la déclaration du détenu, qu'”il n’a pas tenté de regarder les agents tant il se sentait humilié“.

Dans une autre affaire, elle a relevé le SMS d’un gardien, où il sous-entend la possibilité d’émettre un faux rapport pour coups sur agent, afin de donner une idée du climat d’impunité qui régnait au sein de l’aile D et en partie à l’annexe psychiatrique. Pour un 3e plaignant en observation à l’annexe psychiatrique quand il s’est fait frapper jusqu’à tomber inconscient, elle a fait valoir la gravité de ses blessures. Elle a relevé une fracture au nez et le gonflement de ses deux yeux à un point tel qu’une atteinte permanente à sa vue a été crainte. “On essaie ici encore de minimiser l’utilisation de la force ou le recours à la brigade d’intervention ou de noyer un petit peu les moyens utilisés“, a-t-elle remarqué en rapport avec les nombreux oublis et contradictions.

Belga

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18 janvier 2019 - 16h34
Modifié le 18 janvier 2019 - 19h34