Pénurie de généralistes : Anderlecht priorité régionale numéro 1 dès 2020

Le nombre de demandes pour le subside d’installation de 25.000 euros est en nette hausse ces trois dernières années, passant de 31 en 2016, à 42 en 2017 et 60 en 2018. Pour l’année 2019, le chiffre s’élevait à 34 à la date du 1er octobre.

La Région bruxelloise fait face à une nette augmentation des demandes de la part de médecins généralistes pour bénéficier d’une des trois aides Impulseo héritées du Fédéral dans le cadre de la 6e Réforme de l’Etat. La première (Impulseo I) s’avère une prime d’installation de 25.000€ visant à encourager les jeunes praticiens qui débutent à s’installer dans la capitale. Ceux-ci y ont droit au maximum cinq ans après l’obtention de leur agrément. Le nombre de demandes pour cette aide est ainsi passé, entre 2016 et 2018, de 31 à 60.

Les deux autres aides aux médecins généralistes, Impulseo II et Impulseo III, suscitent également un succès croissant. La première, qui peut s’élever à 6.300 € par an, est une intervention dans le salaire  d’un employé chargé de l’accueil et de la gestion des dossiers. Le nombre de demandes est passé de 94 en 2016 à 117 en 2019. La seconde s’avère une intervention annuelle dans les coûts des services d’un télésecrétariat de 3.619 € . Le nombre de dossiers déposés est passé, entre 2017 et 2019, de 27 à 55. Au total, ces deux subsides ont représenté, entre 2018 et 2019, une hausse de 420.000€ à charge de la Région.

Le budget épuisé

La demande pour les trois Impulseo a récemment été si forte que le budget prévu n’a pas permis de satisfaire jusqu’à présent toutes les demandes. Mais l’ensemble des praticiens ayant rentré un dossier et répondant aux différents critères d’éligibilité recevront bien à terme le subside. Le ministre bruxellois en charge de l’Action sociale au sein de la Cocom Alain Maron (Ecolo) l’a encore indiqué la semaine dernière en commission Santé, répondant à une question de la députée Bianca Debaets (CD&V) sur la question.

“Le fait que le budget destiné au paiement des trois subsides soit vide s’explique par un concours de circonstances. Malgré un ajustement budgétaire, le budget 2018 n’a pas été pas suffisant pour répondre à la demande. Pour l’instant, 50 des 172 interventions dans les coûts salariaux ou pour un télésecrétariat et 15 des 32 demandes pour une prime à installation ne sont pas encore traitées”, a ainsi notamment expliqué le ministre bruxellois. Celui-ci a aussi rappelé qu’il a fallu le temps à la Région pour digérer les compétences transférées dans le cadre de la 6e réforme de l’Etat et que les dossiers seraient gérés beaucoup plus rapidement à l’avenir.

Une aide bienvenue

Pour le Groupement Belge des Omnipraticiens (GBO), qui est le plus important syndicat de médecins généralistes francophones, ces aides Impulseo peuvent réellement influencer les nouveaux généralistes quant à la localisation de leur cabinet. “Ce n’est pas tout le temps le cas non plus. J’ai reçu en fait les deux sons de cloche en Wallonie. Là-bas, il y a des communes avec et sans aide Impulseo I selon qu’elles soient en pénurie ou non. J’ai des gens qui m’ont très clairement dit qu’ils cherchaient à s’installer dans une zone en pénurie pour avoir cette prime”, explique Florence Marchand, du GBO. “On fait en tout cas un gros travail de communication sur le sujet et de plus en plus de médecins sont mis au courant de ces aides”.

Pour le président de l’organisation, Paul De Munck, il est évident que ces différentes aides feront à l’avenir l’objet de changements pour mieux être adaptées aux besoins bruxellois. “Je peux déjà vous dire qu’Impulseo évoluera à l’avenir. C’est à l’agenda. On souhaite évidemment que le GBO soit consulté sur le sujet”, explique-t-il. Alain Maron lui-même avait indiqué la semaine dernière qu’il serait peut-être utile de voir un moment  si ces outils hérités du fédéral sont parfaitement adaptés aux besoins spécifiques de la capitale.  “La politique de soins de première ligne et la place que les médecins généralistes y occupent est centrale dans l’amélioration de l’offre d’une médecine accessible et adaptée aux besoins des Bruxellois”, avait-il ajouté.

Le système change en janvier 2020

Le système sera en tout cas déjà affiné à partir du 1er janvier prochain, sous l’impulsion du précédent ministre bruxellois Didier Gosuin (Défi). Jusqu’à présent, les jeunes médecins peuvent bénéficier d’une prime de 25.000€, quelque soit l’endroit où ils s’installent. En 2020, la somme s’élèvera par défaut à 15.000€, mais passera à 30.000€  pour 10 zones présentées comme étant en situation d’hyper pénurie par un récent rapport de l’Observatoire de la santé et du social. Ces 10 zones concernent des quartiers dans 10 communes. Il faudra s’installer dans les quartiers mentionnés pour bénéficier entièrement d’Impulseo I.

Première zone (Anderlecht)

1) Veeweyde-Aurore 2) Bizet-Roue-Ceria 3) Vogelenzang-Erasme 4) Neerpede 5) Goede Lucht 6) Scherdemael 7) Anderlecht-Centre-Wayez 8) Scheut 9) Buffon 10) Moortebeek-Peterbos

Deuxième zone (Berchem-Saint-Agathe)

1)Hôpital Français

Troisième zone (Bruxelles-ville)

1)Grand-Place 2) Dansaert 3)Béguinage-Dixsmude 4) Martyrs 5) Notre-Dame-aux-Neiges 6) Quartier royal 7) Squares 8) Houba

Quatrième zone (Forest)

1) Bas-Forest 2) Vossegat-Roosendaal

Cinquième zone (Koekelberg)

1)Koekelberg 2) Basilique

Sixième zone (Molenbeek)

1)Karreveld

Septième zone (Saint-Josse)

1)Saint-Josse Centre

Huitième zone (Uccle)

1)Uccle

Neuvième zone (Woluwe-Saint-Lambert)

1)Roodebeek 2) Constellations-Val d’Or

Dixième zone (Saint-Gilles)

1)Porte de Hal 2) Bosnie

Une pénurie importante le long du Canal,

Pour donner une idée précise de l’offre de généralistes dans la capitale, l’Observatoire de la santé et du social proposait deux cartes dans son rapport de 2017. Dans la première, le nombre de médecins par 1.000 habitants est exprimé quartier par quartier à l’aide d’une couleur. Les zones vertes sont celles qui disposent aujourd’hui de suffisamment de praticiens, les zones rouges sont celles plus en tension. “Il est frappant de constater que de nombreux quartiers en rouge et bordeaux se situent à côté de zones où il y a peu d’habitants, comme le canal et les parcs ou de zones à forte densité de bureaux (centre de Bruxelles et quartier européen)”, notent les auteurs du rapport.

La deuxième carte s’avère également intéressante. Elle indique la répartition actuelle des médecins par tranche d’âge. Et donc peut-être aussi les pénuries de demain. Dans les zones en mauve foncée, l’âge moyen des médecins oscille entre 55,3 et 70 ans. Il est ainsi possible de conclure que la commune d’Uccle risque de faire face à une pénurie sans arrivée importante de médecins généralistes. Un des freins potentiels à l’installation dans cette commune s’avère évidemment le prix de l’immobilier.

 

 

Une profession qui se féminise

Il y avait 737 hommes et 729 femmes actives en tant que généralistes en 2017 dans la capitale. La répartition hommes-femmes s’avère quasi identique, mais elle diffère cependant de manière importante entre les groupes d’âge. Les femmes sont ainsi beaucoup plus nombreuses parmi les médecins de moins de 45 ans, tandis que la proportion d’hommes est beaucoup plus élevée parmi ceux de 55 ans et plus. L’âge moyen des hommes s’avère au final de 10 ans supérieur à celui des femmes. La profession de médecin généraliste se féminise donc toujours plus.

La plupart des médecins généralistes débutants commencent par ailleurs au sein d’une association ou d’une pratique de groupe déjà existants, ou s’associent avec un médecin déjà installé. “L’ouverture d’un nouveau cabinet médical n’est en effet pas simple. Cela représente une charge d’investissement importante (cabinet, matériel, …) et il faut se constituer une patientèle. C’est pourquoi certains médecins généralistes débutants optent pour la reprise d’une pratique. Lorsqu’un cabinet existant est repris, il convient de procéder à une évaluation de différents éléments comme la patientèle ou l’équipement médical”, explique les auteurs du rapport du 2017.

L’envol des prix immobiliers n’aide pas

Les prix du marché immobilier s’avèrent en général plus élevés en Région bruxelloise que dans les deux autres Régions. “Lors d’une soirée de discussion relative aux mesures de soutien destinées aux jeunes médecins généralistes, il est apparu que trouver un espace approprié pour développer une pratique (de groupe) relève bel et bien du défi. Non seulement en raison du prix élevé, mais aussi parce que la structure de nombreux bâtiments bruxellois, souvent des bâtiments étroits avec de nombreux escaliers, ne permet pas de transformer le bâtiment en une pratique (de groupe) qui réponde à des normes d’accessibilité pour le public”, lit-on encore dans le document de l’Observatoire de la santé et du social.

J. Th. 

Reportage de Jean-Michel Herbint et Nicolas Scheenaerts