Les CPAS bruxellois doivent proposer une politique identique pour l’inscription des sans-abris

Sans une adresse, on est rien. Tel pourrait être le slogan des sans-abris belges. A Bruxelles, la Strada a recensé 4.187 personnes sans-abri et mal logées en date du 5 novembre 2018. Parmi eux, on compte 51,4% de sans-abris, 22,2% de sans logement et 24,8% de logements inadéquats. Quelque 759 personnes vivaient dans la rue soit une augmentation de 7% par rapport au dernier comptage de 2016. Certaines de ces personnes ont droit au chômage, à une pension, à un revenu d’intégration ou une aide de la mutuelle mais sans adresse de référence, elles ne peuvent en bénéficier. Et il devient de plus en plus complexe de trouver un lieu où se domicilier de manière administrative.

Ce jeudi matin, le Front commun des SDF a manifesté devant la Tour des Finances à Bruxelles avec banderole et distribution de flyers afin de dénoncer la nouvelle définition de la personne “sans-abri”. La manifestation est une réaction à la conférence européenne autour des droits des sans-abri organisée jeudi par le SPP Intégration sociale. “Nous nous sommes battus pendant plus de 20 ans pour que la personne sans-abri puisse se domicilier auprès d’un CPAS pour pouvoir obtenir une carte d’identité valable. Cela fonctionne bien mais les CPAS nous compliquent de plus en plus la tâche en imposant des exigences irréalistes et donc les sans-abri se retrouvent sans rien”, explique Jean Peeters du Front commun des SDF.

Les manifestants exigent donc que les droits des sans-abris, qu’ils soient belges ou étrangers en séjour légal, ne soient plus liés à la domiciliation mais bien au registre national. “Une fois que vous êtes inscrit au registre national, vous devez également pouvoir prétendre à une indemnité de chômage ou une pension”, estime ainsi Jean Peeters.

Des politiques différentes selon les CPAS

Le Front commun des SDF dénonce principalement les mesures prises par le CPAS d’Anvers qui conteste la définition des sans-abris et donc de l’adresse de référence. Concrètement, pour bénéficier des aides financières ou de l’aide médicale d’urgence, il faut être en séjour régulier sur le territoire ou être de nationalité belge. Il faut aussi avoir une adresse de référence. D’ailleurs quand une personne est prise en charge par un assistant social, c’est la première chose qu’il vérifie. Et lorsqu’on vit dehors, il est logique de se tourner vers les CPAS. “Les demandes les plus nombreuses viennent des sans-abris puis des personnes mal logées, explique David Leisterh (MR), président du CPAS de Watermael-Boitsfort. Ce sont les personnes qui par exemple viennent d’être expulsées et vivent chez des gens ou dans des squats. Et puis nous avons les personnes en état d’urgence comme des femmes battues qui se sentent menacées. Cela permet de les protéger et que personne ne connaisse le vrai lieu de leur domicile.”

Lorsqu’un sans-abri se rend dans un CPAS pour demander une adresse de référence, l’institution doit procéder à une enquête pour vérifier qu’il a un lien avec son territoire. Et c’est là qu’il devient très complexe d’en apporter la preuve. “On peut parfois avoir des conflits avec les CPAS voisins, ajoute David Leisterh. Il est important de pouvoir suivre la personne aussi sur le long terme et donc qu’elle reste proche de nous. Mais cela a un coût pour l’institution et la commune.”

A Watermael-Boitsfort, on compte 60 adresses de référence. A la Ville de Bruxelles, le plus gros CPAS du pays, 881 personnes en bénéficient. “Nous avons une politique volontariste en la matière et nous refusons très peu de demandes, explique la présidente du CPAS, Karine Lalieux (PS). Nous instruisons chaque dossier. La cause principale de refus est que la personne est en séjour illégale. Sinon, nous acceptons. Evidemment, il faut prouver que le sans-abri est souvent sur le territoire de la Ville de Bruxelles. S’il dort régulièrement au Samusocial ou si on nous dit qu’il a posé ses affaires à la gare centrale, nous considérons qu’il relève de notre juridiction.”

La Ville a aidé près de 4.000 mal logés mais seulement un quart ont rentré une demande de domiciliation. “C’est une question complexe mais en tant que présidente de l’association des CPAS bruxellois, je vais porter le débat au sein de nos institutions. Il n’est pas logique d’avoir des conditions d’accès différentes selon les CPAS. Les gens ne doivent pas avoir des réponses mouvantes par rapport à leur situation selon qu’ils entrent leur dossier à la Ville de Bruxelles ou ailleurs. Il faut être dans une optique de solidarité à l’échelle régionale et de lutte contre la pauvreté.”

Une population de plus en plus fragilisée

Le nombre de personnes sans-abris et mal logées ne cesse d’augmenter. En 2008, on en dénombrait 1.729. Aujourd’hui, elles sont 4.187. Sur les 759 personnes vivant dans l’espace public lors du comptage du 5 novembre 2018, 66,4% étaient des hommes, 11,1% des femmes et 19,9% sont de sexe indéterminé. 1/3 environ était dans le Pentagone, 15,7% dans les gares et 54% dans le reste de la Région.

Ces graphiques viennent de l’étude de la Strada réalisée lors du comptage du 5 novembre 2018

Ils sont donc peu nombreux à faire une demande d’adresse de référence. Pour beaucoup, la peur de l’administration et qu’on découvre des irrégularité dans leur dossier les empêchent de régulariser leur situation afin de pouvoir toucher un revenu. Les convaincre reste la mission première des institutions d’hébergement de première ligne.

Vanessa LhuillierPhoto:BX1