Le secteur de l’événementiel met le gouvernement en demeure

Depuis 6 mois, le secteur de l’événementiel est totalement à l’arrêt. Foires et salons, monde de la nuit, forains, traiteurs, locations de salle…tous n’ont quasiment plus de rentrées financières et surtout peu de perspectives quant à une date de reprise de leurs activités. Cinq sociétés spécialisées dans le domaine de l’événementiel privatif ont pris un avocat pour mettre en demeure le gouvernement fédéral. Le courrier est arrivé ce vendredi midi.

Quand le CNS du mois de juin autorise à nouveau les événements privés avec 50 personnes à condition qu’ils soient organisés par un professionnel, le secteur de l’événementiel, et plus particulièrement celui des mariages, respirent enfin. Quelques événements seront organisés en juillet, de quoi leur donner une bouffée d’argent frais.

Seulement, fin juillet, le secteur replonge. Seules 10 personnes peuvent participer à un mariage. “Tout s’est annulé. Depuis mars, nous travaillons en montant les tentes des hôpitaux pour le dépistage, explique Alexis de Halleux, directeur d’une société de location de tentes pour des événements et un des plaignants. Nous avons aussi installé des terrasses en bois pour l’horeca, mais c’est tout. En pleine saison, nous employons 10 personnes. Nous avons 4 ouvriers et l’un d’eux a démissionné pour travailler comme chauffeur poids lourd. On ne peut pas lui en vouloir mais nous perdons quelqu’un de bien que nous avions formé.”

Antoine de Halleux a besoin de 15.000 euros par mois pour ses frais incompressibles. Il a déjà obtenu une suspension de ses assurances professionnelles, un report de charge, de loyer… “Les événements sont reportés à l’an prochain donc nous ne devons pas rembourser les clients, mais par contre, nous refusons de nouveaux mariages pour 2021 car nous n’avons pas le matériel nécessaire. Le manque à gagner de 2020 ne sera jamais récupéré.”

Une mise en demeure pour pouvoir retravailler

Selon les professionnels du secteur, il y a une différence de traitement entre les événements privés et ceux ouverts au public. “Un restaurant peut organiser un événement de 30 personnes en installant 3 tables de 10. Ce n’est pas juste.” C’est sur cette argumentation que se base la mise en demeure introduite ce vendredi après-midi par Maître Vincent Letellier. Il a envoyé sa requête aux cabinets de la Première ministre, Sophie Wilmès, du ministre de l’Intérieur Pieter De Crem et au ministre des Indépendants, Denis Ducarme.

“Nous souhaitons mettre fin à une discrimination, commente l’avocat. Mes clients ne contestent pas les mesures prises et comprennent que dans le cadre de la crise sanitaire, des mesures de restriction s’imposent. C’est pour ça que nous n’allons pas au conseil d’Etat pour demander l’annulation de la disposition. Ils souhaitent simplement que les mêmes règles soient appliquées pour tous. Il n’est pas logique qu’un club de foot puisse organiser un événement accessible au grand public avec 200 personnes à l’intérieur et 400 en extérieur mais que cet événement soit limité à 10 personnes s’il se déroule sur invitation. La comparaison est très facile et c’est sur ce fait que nous pouvons mettre en demeure le gouvernement.”

“Selon la jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle, sur laquelle se sont alignés la Cour de cassation et le Conseil d’Etat, « [l]es règles constitutionnelles de l’égalité et de la non-discrimination n’excluent pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée. L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause ; le principe d’égalité est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé »”, peut-on lire dans le courrier envoyé au gouvernement.

Le principe d’égalité de droits serait donc bafoué selon Vincent Letellier. Les événements privés peuvent aussi être organisés en respectant des tables de 10 personnes avec une distance entre chacune.

Une ouverture lors du prochain CNS

Concrètement, le gouvernement dispose de 8 jours pour répondre à la mise en demeure. S’il ne le fait pas, alors une action sera déposée en référé devant le tribunal de première instance de Bruxelles. Le ministre des Indépendants, Denis Ducarme (MR), n’avait pas encore pris connaissance du courrier mais il avait rencontré les indépendants du secteur de l’événementiel en août. Il souhaite que des événements privés puissent avoir lieu dans le respect des règles sanitaires en vigueur et est conscient de l’impact financier pour ce secteur. Il souhaite que le prochain CNS puisse envoyer un message dans le sens d’une reprise d’activité pour que tout le monde puisse retravailler.

Il y a fort à parier que Vinciane Morel, membre du conseil d’administration de l’ACC et porte-parole francophone de Belgian Alliance Event Federations, l’alliance des associations qui ont uni leurs forces au début de la pandémie et présidente du centre culturel d’Uccle, a été intégrée au nouveau Celeval chargé d’aider le gouvernement dans la gestion de la crise. Le secteur de l’événementiel espère qu’elle jouera son rôle de représentante pour ne pas voir tout le secteur tomber en faillite.

Reportage de Marie-Noëlle Dinant, Yannick Vangansbeek et Corinne De Beul

Vanessa Lhuillier – Photo: BX1