Le nombre de décès dus au Covid-19 est sous-évalué

Selon les chiffre de Sciensano, le nombre de personnes réellement décédées du Covid-19 devrait être revu à la hausse. En effet, les chiffres communiqués ne correspondent pas à la surmortalité rencontrée dans la capitale.

Chaque jour, des personnes meurent. A Bruxelles, sur un mois, ce nombre se situe aux environs des 700 individus. Ainsi, en faisant une moyenne sur plusieurs années afin de lisser et d’amoindrir des épisodes de grippe ou de canicule, on obtient le nombre de morts attendus.

A présent, Sciensano a les chiffres des personnes décédés depuis le 16 mars, semaine par semaine. On s’aperçoit que la mortalité est plus importante qu’à l’accoutumée. La semaine du 16 au 22 mars, on a donc une surmortalité de 71 personnes. Or, Sciensano comptabilise 38 personnes décédées en maisons de repos ou dans les hôpitaux à cause du Covid-19. Pourtant, 33 personnes supplémentaires ont rendu leur dernier souffle cette même semaine.

Pour la suivante, la surmortalité est de 148 personnes. Quelque 104 personnes sont décédées avec un test positif au Covid-19. La sous-évaluation serait donc de 44 personnes. Enfin, pour la semaine du 30 mars au 5 avril, soit avant le pic des décès, la surmortalité était de 304. Quelque 228 personnes sont décédées du coronavirus soit une sous-évaluation de 76 personnes.

Le Covid-19 comme seule explication

De quoi sont donc décédées ces personnes? Pour le docteur Philippe Laurent, épidémiologiste, il n’y a pas mille explications possibles. Elles sont mortes à cause du coronavirus. “Je ne vois aucune autre raison possible. D’ailleurs la montée de la courbe de sur-mortalité épouse la courbe de montée du virus. Il n’y a aucun doute.”

Cela signifie que sur la période donnée, la sous-évaluation des morts à cause du Covid-19 est de 41%. Avec l’augmentation du nombre de tests pratiqués, elle devrait avoir tendance à reculer mais nous n’en sommes pas encore là.

La Belgique ne peut donc pas se cacher derrière une autre manière de compter par rapport aux pays voisins. Le taux de mortalité chez nous lié à la maladie est élevé. “La Belgique fait partie du trio de tête des pays ayant le plus de décès par habitant avec l’Espagne et l’Italie, ajoute Philippe Laurent. Seul le Royaume-Uni pourrait encore le rejoindre. Il est vrai que ces trois autres pays n’ont pas encore pris en compte l’ensemble des décès, mais il en manque aussi 40% pour la Belgique et les décès journaliers chez nous restent élevés alors qu’ils diminuent fortement en Espagne et en Italie. Les banques de données nationales de la mortalité reliée à Eurostat donneront leur verdict dans les semaines qui viennent. Je pense honnêtement que chercher une excuse dans le fait qu’un ou deux pays au monde ont fait pire – ce qui n’est pas encore démontré – est assez pitoyable. La Belgique a été mauvaise, très mauvaise. Il serait temps de le reconnaître.”

Pour l’épidémiologiste, la comparaison des mortalités dans les différents pays européens mettra aussi en évidence ceux qui ont “assuré” et donc les bonnes pratiques. “Elle pointera également un phénomène qui se précise de plus en plus aujourd’hui : l’abandon à leur sort des maisons de retraite, l’abandon des personnes âgées.”

V.Lh. avec J.Mo. – Photo: Belga/Benoît Doppagne