Enquête : dans la peau d’une sugar baby et d’un daddy

En 2017, le grand public découvrait le site Rich meet beautiful grâce à une grande publicité sur le campus de l’ULB. Intriguée et encore étudiante à l’époque, la journaliste Justine Pons, a décidé d’infiltrer le milieu et sort aujourd’hui un ouvrage.

Le site internet proposait de mettre en relation des étudiantes et des hommes d’âge mûr qui pourraient les aider à financer leurs études contre un peu de temps. Une plainte a été déposée et le propriétaire du site a été condamné en première instance pour incitation à la prostitution mais il a fait appel. Le jugement devrait tomber en 2021. Mais la journaliste Justine Pons a voulu savoir si effectivement, il s’agissait d’une prostitution déguisée.

Elle a donc créé plusieurs profils de jeunes femmes, étudiantes et toutes à la recherche d’une manière d’arrondir leur fin de mois. Avec le profil de Louise, la plupart des messages qu’elle recevait était très clair. Les hommes recherchaient une relation sexuelle tarifée mais ne souhaitaient pas passer par des prostituées. Certains expliquent qu’ils ne souhaitent pas être le 30e de la journée et préfère une jeune fille moins expérimentée.

Quelques profils, mais ils sont rares, proposent réellement d’aider financièrement la jeune étudiante et ne parlent pas ouvertement de compensation sexuelle. Elle en rencontrera 4, à chaque fois dans des lieux publics, pour ne pas prendre de risque. Ils ont entre 45 et 50 ans, ont plutôt bien réussi dans la vie. Ils sont divorcés ou mariés mais recherchent une compagnie rafraîchissante.

Finalement, les contacts sont assez décevants et le site ne tient pas ses promesses pour les sugar babies en quête d’un mentor fortuné.

Dans la peau d’un Daddy

Justine Pons s’est aussi créé des profils masculins. Et là aussi, les promesses ne sont pas tenues. Elle s’aperçoit que des prostituées professionnelles contactent directement les nouveaux. Des femmes plus âgées, également. Elles proposent des relations sexuelles tarifées. Les étudiantes sont en réalité assez rares et celles qui sont là parlent aussi de sexe. Les hommes se plaignent de ses arnaques puisque eux, doivent payer pour s’inscrire sur les sites de rencontres.

La prostitution étudiante, un phénomène complexe

Il existe peu d’études sur la prostitution étudiante. On pense qu’en Belgique, cela représente 6.000 personnes et avec la pandémie, les conditions de vie des étudiants se dégradent. Certaines jeunes filles pourraient être tentées de se lancer dans la pratique de sugar baby.

Une vision réductrice de la femme

Ce que retiendra la journaliste, ce sont les propos des hommes, très crus, irrespectueux. Et il y a aussi ceux pour qui la femme n’est qu’un objet, une petite chose fragile qu’il faut entretenir, l’aider à s’élever socialement. On est très proche de la vision patriarcale des bourgeois du XIXe siècle qui entretenaient des cocottes, comme un signe extérieur de richesse. Ils pensent aussi faire une bonne action mais cela révèle aussi une détresse affective chez ces hommes d’âge mûr.

■ Interview de Justine Pons par Vanessa Lhuillier

Le sugar dating, infiltrée dans l’univers des babies et daddies, aux éditions Les Impactantes