Emploi : le télétravail s’enracine, surtout à Bruxelles

Le télétravail est loin de faiblir. Une nouvelle étude menée par Vias et le SPF Mobilité vient encore le confirmer, à l’occasion de la Journée nationale du télétravail : 45% des Belges travaillent au moins un jour par semaine à distance, et 20% des télétravailleurs le font à temps plein. Mais cette tendance est-elle appelée à durer? Et avec quel impact économique ?

Le télétravail était en développement bien avant la crise sanitaire. Selon SD Worx, prestataire de services de ressources humaines et secrétariat social, un certain nombre d’entreprises permettent depuis longtemps à leurs employés de travailler “de manière flexible” sur leur lieu de travail. Elles étaient même 67% à le faire à Bruxelles, avant le coronavirus. Aujourd’hui ce chiffre atteint près de 90%. Renforcé par les mesures sanitaires, le mouvement semble parti pour durer : beaucoup l’envisagent désormais de manière durable, selon Ischa Lambrechts, conseiller mobilité chez Beci.

Ainsi selon la dernière étude de SD Worx, plus de 50 % des employeurs bruxellois souhaitent renforcer le télétravail, et seulement 12% veulent le réduire. 62% des travailleurs bruxellois travaillent à domicile après la crise, contre 45% avant, toujours selon les chiffres de SD Worx. Bruxelles est en tête dans ce domaine. C’est dans la capitale que le télétravail a le plus augmenté : +16 %, contre 14,7 % en Flandre et 9 % en Wallonie. Explications : la moitié des travailleurs bruxellois vivent en dehors de la région et sont séduit par l’idée de réduire leurs trajets. En outre, 90% des emplois bruxellois sont générés par le secteur des services, qui se prêtent davantage au travail à distance.

Pas de retour en arrière en vue

Les institutions européennes par exemple, qui emploient près de 40.000 personnes à Bruxelles, continuent d’encourager le télétravail, instauré au début de la crise sanitaire : le personnel est appelé à travailler à domicile tant que faire se peut, confirme Emmanuel Foulon, le porte-parole du parlement européen. « Tous les outils ont été mis en place pour que la plupart des fonctions puissent s’exercer à distance. », explique-t-il. Jusqu’à quand ? Y aura-t-il un retour à la situation pré-covid ? Sa réponse : « Nous restons attentifs à l’évolution de la situation sanitaire mais un retour en arrière est peu probable. Pas dans l’immédiat en tout cas. »

Autre pourvoyeur d’emplois à Bruxelles : BNP Paribas Fortis. En six ans, le télétravail y a presque quintuplé mais la tendance s’est particulièrement accélérée ces derniers mois. Et elle se poursuit aujourd’hui, même si dans une proportion moindre qu’au mois de mai. Depuis juin, les employés sont répartis en trois groupes qui s’alternent une semaine sur trois en présentiel, nous explique Hans Mariën, un porte-parole du groupe. Tandis que les managers sont tenus d’être présents deux jours par semaine pour maintenir le contact avec les équipes. Un peu plus de 7400 employés étaient en télétravail au mois de juin. Cette situation est prévue jusqu’au 8 novembre. Et après ? Interviewé dans L’Echo ce week-end, Philippe Close appelait les grandes entreprises à faire revenir leurs travailleurs à Bruxelles. Le maïeur bruxellois citait entre autres BNP Paribas Fortis. A-t-il été entendu ? Certes, sa marge de manœuvre en la matière est étroite. Le bourgmestre socialiste de la Ville de Bruxelles et le patron du groupe bancaire se sont bien croisés à l’occasion d’un événement, nous indique Hans Mariën, mais nous n’en saurons pas plus sur le contenu de leurs échanges.

60.000 emplois menacés

L’appel de Philippe Close visait en particulier le soutien du petit commerce. Si la mobilité a sans nul largement bénéficié du télétravail, l’économie locale ne peut en dire autant. L’horeca et les magasins du centre-ville en particulier souffrent de l’absence des employés de bureaux. Beaucoup ont fermé leurs portes, suite à une fréquentation en chute libre.

Pour Olivier Willocx, la question cruciale est celle de la place de l’humain dans l’entreprise : « A-t-on encore besoin des gens ? », interroge le patron de Beci, la chambre de commerce bruxelloises. Vieille antienne, qui selon lui est plus d’actualité que jamais : 60.000 emplois sont aujourd’hui menacés à cause de la crise sanitaire mais aussi de la digitalisation, affirme-t-il. Celle-ci a connu une accélération sans précédent ces deniers mois. Et le télétravail en a probablement été un accélérateur. Les grandes entreprises digitalisent des fonctions à tour de bras. « Comment adapter le facteur humain à cette révolution ? L’enseignement bruxellois n’est pas préparé, ni au niveau du contenu de ses formations, ni de son outillage technologique », assène-t-il. Avant de lancer : « Bruxelles est-elle capable de positionner son économie dans la transition ? ».

Les chiffres de Bernard Clerfayt (DéFI), le ministre régional de l’Emploi, ne sont pas les mêmes que ceux d’Olivier Willocx. Certes la digitalisation va condamner des emplois mais aussi en créer, nous répond son cabinet. Et de citer une étude d’Agoria, centre d’expertise sur l’innovation, qui évoque la disparition d’ici 10 ans de 235.000 emplois, mais la création de 864.000 autres. La Région propose plusieurs pistes pour éviter l’enlisement dans la chômage, comme le renforcement des offres de formation, visant l’acquisition de compétences linguistiques, numériques ou liés à un métier, en assurant la gratuité pour les personnes en chômage économique ou encore le développement de la formation en alternance.

S.R. (Photo : Arch. BX1)