Dix communes bruxelloises actuellement sous tutelle financière régionale

Un peu plus de la moitié des 19 entités de la capitale font l’objet d’un plan d’assainissement. Conséquence directe: dépenser le moindre euro nécessite l’aval d’un inspecteur régional. Seule la situation d’Evere s’avère aujourd’hui très problématique. BX1 fait le point.

Les communes concernées sont Anderlecht, Berchem-Sainte-Agathe, Etterbeek, Evere, Ganshoren, Jette, Molenbeek, Saint-Gilles, Schaerbeek et Watermael-Boitsfort, a-t-on appris auprès du cabinet du nouveau ministre bruxellois des Pouvoirs locaux Bernard Clerfayt (Défi). Si leur nombre ne varie pas depuis plusieurs années, les noms ont légèrement changé depuis 2010. Forest a ainsi quitté la liste en 2013, quand Evere faisait en 2015 le chemin inverse. Mais que signifie tout d’abord être sous plan d’assainissement? Il faut en fait avoir bénéficié, ces 20 dernières années, d’une aide financière de la part du Fonds régional bruxellois de refinancement des trésoreries communales (FRBRTC).

Une injection d’argent qui ne se fait évidemment pas sans contre-partie. La commune doit s’engager sur un plan de restructuration garantissant le retour à l’équilibre endéans les trois ans. Puis continuer à présenter, les 20 années suivantes, un plan budgétaire trisannuel qui reste dans les clous. Ce n’est pas tout. La commune fait aussi l’objet d’un contrôle spécifique par un inspecteur régional. Disposant même parfois d’un bureau dans les locaux de la commune, celui-ci doit donner son aval à toute décision ayant une implication financière. “C’est bien simple. Même pour une location de salle de sport, on doit avoir un feu vert”, résume l’échevin anderlechtois des Finances Fabrice Cumps (PS).

Chaque recrutement dans le viseur

Du côté d’Anderlecht, on explique que la tutelle financière ne change pas fondamentalement la donne.“L’impact réel sur le budget ordinaire n’est pas fort différent. On a les mêmes règles que les autres communes, à savoir être à l’équilibre. Pour le budget extraordinaire, c’est vrai qu’il y a plus de discussions sur la hauteur de notre capacité d’emprunt pour investir. Mais cela se fait en bonne entente. Le truc le plus concret, c’est qu’on a un inspecteur régional à demeure et que tous les points qui passent chaque semaine au collège sont validés par cet inspecteur qui s’assure qu’on reste bien dans les clous pour respecter le budget”, explique Fabrice Cumps.

Chaque recrutement ou promotion individuelle doit également obtenir à la validation de l’inspecteur régional. “Tous les mois, on a une réunion avec l’inspecteur et on lui présente toutes les demandes des services. On voit ensemble ce qui est OK ou ne l’est pas. Cela se passe de manière très consensuelle”, explique Fabrice Cumps. Le représentant régional ne se prononce en tout cas pas sur les choix politiques. “Quand on a fait la semaine de quatre jours à Anderlecht, c’était quand même un projet de 750.000 euros. Il l’a validé parce qu’on l’avait prévu au budget. Il ne pose pas vraiment de choix d’opportunité vers l’un ou vers l’autre. Il ne va jamais nous dire ‘non non 4 jours ça vous ne pouvez pas’. Il va vérifier que le budget est à l’équilibre, mais ça c’est la même obligation pour tout le monde”, explique l’élu anderlechtois.

Revalorisation à Molenbeek

Statutarisation des agents contractuels, promotion d’une partie du personnel, mise en place d’un 2ème pilier de pension, prime au bénéfice de directions d’écoles ou encore valorisation des agents à temps partiel: Molenbeek vient d’annoncer de nombreuses mesures pour revaloriser son personnel. Le tout pour un budget de 1.383.000 € pour l’année 2019. Une annonce qui a donc dû faire l’objet d’un feu vert de l’inspection régionale. “Ce plan a été soumis à l’avis préalable de l’inspecteur régional qui, après analyse, en a conclu que la commune disposait des moyens financiers nécessaires et que l’équilibre financier était garanti”, explique le cabinet de Bernard Clerfayt.

“Il convient de préciser que depuis 2017, les communes bruxelloises ont été refinancées à concurrence de 30 millions d’euros.  De plus; les critères de répartition de cette dotation entre les communes ont été revues; ce qui pour la commune de Molenbeek; s’est traduit par une augmentation structurelle de son financement  à concurrence de plus de 6,6 millions d’euros par an”, indique aussi sa porte-parole.

Des économies délicates

Une fois rentrée durablement dans les clous budgétaires, une commune peut généralement regarder son avenir financier avec un peu moins d’inquiétude. Mais encore faut-il d’abord passer par la délicate case “économie”. Il a ainsi fallu aux Molenbeekois se serrer la ceinture de manière substantielle en 2015. Le plan approuvé à l’époque par la majorité MR-Ecolo-CDH prévoyait entre autres une réduction de 10 % des dépenses de fonctionnement de tous les services communaux, un moratoire sur les engagements et les remplaçants de personnel, mais aussi des économies de la part du CPAS, de Molenbeek Sport et de l’asbl Lutte contre l’Exclusion Sociale (LES). Du côté de Forest, la fermeture définitive de la piscine s’expliquait aussi à l’époque par les efforts d’assainissement.

Une tutelle dont la commune de Forest s’est affranchie en 2013. “Après 20 ans de plans et une fois que c’est assaini, on n’est plus sous plan d’assainissement. Mais une commune comme Forest reste structurellement plus qu’à la limite. Elle fait partie des communes qui peuvent très vite basculer d’un côté à l’autre, tellement il y a peu de marge. C’est une commune assez verte et peu cadastrée. Avec les deux parcs, le chemin de fer, la prison, cela fait beaucoup d’espace pas habité”, explique le premier échevin forestois Charles Spapens (PS). L’avantage selon lui d’avoir quitter la tutelle financière?  Du temps gagné pour prendre certaines décisions et un peu plus de liberté et de marge pour réaliser des investissements.

Situation très préoccupante à Evere

Parmi les 19 communes, seule Evere n’a pas pour l’instant de budget pour l’année en cours, rapportait la semaine dernière la RTBF. C’est-à-dire la commune du ministre-président Rudi Vervoort (PS). “En date du 28 mars, le conseil communal a bien approuvé un projet de budget, sans plan triennal. Ce projet a été transmis à la tutelle par voie électronique en date du 10 avril mais sans les annexes légales et sans le plan pluriannuel”, explique le cabinet de Bernard Clerfayt. En réponse, la tutelle régionale a informé la commune en date du 14 mai que le délai pour statuer ne commencerait à courir qu’à la réception de l’ensemble des annexes légales et du plan pluriannuel qui doit légalement accompagné le budget”.

“Ces documents n’ont toujours pas été transmis de telle sorte que le budget 2019 n’est toujours pas exécutoire. La ‘sanction’ prévue dans ce cas de figure est l’application du principe des douzièmes provisoires”, ajoute le cabinet. Les conséquences sont loin d’être anodines: la commune ne peut pas se lancer dans des investissements. Même pour des projets aussi importants que la création de crèches ou d’écoles. Interrogé par mail, le cabinet du bourgmestre faisant fonction Christian Beoziere (PS) ne nous a pas encore répondu à l’heure d’écrire ces lignes.

Julien Thomas – Photo: Belpress