Cri d’alarme des hautes écoles : l’enveloppe fermée “asphyxie” leur enseignement

Les hautes écoles de Belgique francophone ont leurs propres espoirs et attentes pour la nouvelle législature qui s’annonce, une liste de revendications déclinée en 10 priorités présentées mercredi, dont elles espèrent qu’elles trouveront écho auprès des élus en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Sans surprise, le financement reste le nerf de la guerre, avec un besoin criant de revoir l’enveloppe fermée qui “asphyxie” actuellement les hautes écoles de tous les réseaux, selon leur Conseil Interréseaux de Concertation (CIC-HE).

Les chiffres sont interpellants: la population étudiante en haute école n’a cessé d’augmenter ces dernières années (+25% en 10 ans), avec actuellement un total d’environ 92.000 étudiants dans les 19 établissements de ce type en FWB, soit un peu moins de la moitié des 200.000 élèves de l’enseignement supérieur francophone. Sur le plan des subsides, la répartition est cependant d’un autre ordre, au détriment des hautes écoles : “7,3 milliards sont consacrés en FWB à l’enseignement, dont 1,3 à l’enseignement supérieur. Dans ce total, 450 millions d’euros vont (chaque année, NDLR) à l’enseignement en haute école, soit environ 35%”, résume Vinciane De Keyser, actuelle présidente du CIC-HE.

Chute du budget par étudiant

En réalité, si l’allocation globale a légèrement augmenté ces toutes dernières années (depuis 2016), cette hausse ne permet pas, si l’on tient regarde l’évolution sur le long terme, de compenser l’inflation et l’indexation des salaires du personnel, si bien qu’en euros “constants”, les moyens alloués par étudiant ont chuté d’un peu moins de 4.000 euros en 1997 à 2.729 euros en 2018 (si l’on garde 1996 pour base), a calculé le Conseil Interréseaux.

“Une énorme partie de notre budget part dans le salaire des enseignants et du reste du personnel, et il nous reste, à la grosse louche, 500 euros par étudiant et par an”, avance Vinciane De Keyser. Entourée de représentants des différents réseaux (officiel, libre, confessionnel ou non), elle répète le constat qui les rassemble tous : “insuffisant”, surtout quand on ambitionne d’être un véritable “levier socio-économique” régional et de développer aussi bien des pédagogies actives que de la recherche appliquée.

Sur le plan de la pédagogie d’une part, et de la recherche d’autre part, les hautes écoles déplorent d’ailleurs un manque de reconnaissance. Un soutien politique à la formation en alternance, une reconnaissance et la valorisation des pédagogies actives spécifiques aux hautes écoles font partie des demandes listées. Quant à la recherche, souvent associée dans sa forme fondamentale au monde universitaire, c’est un domaine où les hautes écoles veulent aussi avoir leur mot à dire (entre autres au niveau du FNRS) et une reconnaissance suffisante, ce qui nécessite en soi un budget adéquat, jugé insuffisant actuellement.

Une complexification dans la gestion

Un autre point qui revient dans les discours est la nécessité d’une évaluation du décret Paysage et de l’obligation de codiplomation pour les nouvelles formations ouvertes (sauf exceptions). Cette collaboration “forcée” entre établissements apporte des avantages à l’étudiant dans bien des cas, mais a entrainé une complexification non-négligeable sur le plan de la gestion au sein des hautes écoles, une surcharge de travail qui, elle aussi, a un coût, avancent les représentants des réseaux.

L’enseignement supérieur de Belgique francophone fonctionne depuis la fin des années 90 selon le principe de l’enveloppe fermée. Ce qui veut dire qu’au fur et à mesure qu’augmente le nombre de jeunes s’inscrivant dans les universités et hautes écoles, le montant moyen dont ces établissements disposent pour encadrer et former chacun d’eux diminue. Le ministre compétent Jean-Claude Marcourt (PS) avait déjà admis lors de la précédente législature les “effets pervers” du système. Peu avant les élections de 2014, Ecolo et cdH s’étaient à leur tour exprimés en faveur d’une sortie de l’enveloppe fermée. Un refinancement a bien été décidé en 2015, à hauteur de 107,5 millions d’euros étalés sur la période 2016-2019, mais sans sortir de cette idée d’enveloppe limitée. La grogne n’est d’ailleurs pas limitée aux hautes écoles, les universités exprimant régulièrement leur mécontentement, même si le montant de subsides moyen par étudiant y est plus élevé (7.800 euros/an contre 5.300 en haute école selon le CIC-HE).

Dans ses demandes, le CIC-HE propose un refinancement de 20 millions par an rien que pour les hautes écoles, et au moins pour la durée de la nouvelle législature.

Avec Belga – Photo : illustration Belga/Siska Gremmelprez

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22 mai 2019 - 16h08
Modifié le 22 mai 2019 - 16h53