Collaboration Belgique-Soudan : la Belgique condamnée pour une expulsion irrégulière

Nouvelle action policière au parc Maximilien jeudi soir : la deuxième en 24 heures - BX1

La Belgique a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir renvoyé au Soudan un demandeur d’asile de ce pays, identifié par le biais de la collaboration controversée des autorités belges et soudanaise en 2017.

Le jeune homme (“M. A.”) séjournait dans le parc Maximilien à Bruxelles avec une centaine d’autres migrants soudanais. Il fut intercepté par la police le 18 août 2017 alors qu’il tentait de rejoindre le Royaume-Uni, et enfermé au centre de Steenokkerzeel, comme neuf autres compatriotes.

La polémique enflait à cette époque sur la collaboration des autorités belges, sous la responsabilité du secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration Théo Francken (N-VA), avec des agents du régime soudanais alors dirigé d’une main de fer par Omar el-Béchir, pour identifier des ressortissants de ce pays.

Théo Francken a été mis sur la sellette début 2018 quand ont fait surface des allégations de torture et de mauvais traitements de personnes rapatriées à Khartoum. M. A., quant à lui, disait avoir fui son pays en raison de la situation qui y régnait et du fait qu’il y était recherché, mais étonnamment, il s’est rapidement désisté de cette demande en faisant référence à cette collaboration belgo-soudanaise. Il rencontra le 27 septembre des membres de l’ambassade soudanaise et de la mission d’identification soudanaise. Ce revirement est jugé “peu cohérent” par la Cour, qui prête crédit à la version que l’intéressé donnera par la suite: il n’avait eu accès ni à un avocat ni à un interprète. “De plus, seules lui ont été posées des questions générales sur les risques auxquels il pouvait être confronté, sans aucune référence ou question concernant la région d’origine, l’origine ethnique ni les raisons d’avoir quitté le Soudan. La Cour est donc d’avis que le gouvernement n’a pas procédé à un examen préalable suffisant des risques encourus par l’intéressé“.

“Lacunes procédurales”

Lorsqu’il a eu accès à un avocat le 30 septembre, M. A. a déposé une requête de mise en liberté devant le tribunal de première instance de Louvain, mais avant même le prononcé, il fut averti de son expulsion prochaine. Son avocat obtint du tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles l’interdiction du rapatriement jusqu’à ce que les juridictions se soient prononcées, sous peine d’une astreinte de 10.000 euros. Le renvoi, organisé pour le lendemain, fut annulé, mais M. A. fut malgré cela transféré à l’aéroport. Il indique qu’il y fut accueilli par un homme en uniforme qui lui expliqua en arabe que s’il refusait de monter dans l’avion, d’autres tentatives d’éloignement seraient organisées. Le requérant signa une déclaration autorisant son départ et embarqua sur le vol, expose la Cour, pour qui cette signature ne peut être considérée comme volontaire. Dès lors, il est clair à ses yeux que “les lacunes procédurales dont se sont rendues responsables les autorités belges (…) n’ont pas permis au requérant de poursuivre la démarche de demande d’asile qu’il avait soumise à la Belgique“.

En outre, en renvoyant ce demandeur d’asile au Soudan “en dépit de l’interdiction qui leur en était faite, les autorités ont rendus ineffectifs les recours que le requérant avait initiés avec succès“, ajoute-t-elle. “S’agissant des informations sur la situation au Soudan, il était notoire que la situation générale des droits de l’homme au Soudan était problématique à l’époque des faits“, commente la Cour. Elle se pose des questions sur les conditions dans lesquelles s’est déroulée l’identification: le fonctionnaire avec lequel le requérant s’est entretenu ne maîtrisait pas l’arabe, langue dans laquelle étaient menés les entretiens. Et le requérant n’avait pas été informé préalablement qu’un tel entretien aurait lieu.

Pour cette procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme, M. A. n’a pas présenté de demande d’indemnisation. Le gouvernement belge, quant à lui, peut demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la Cour dans un délai de trois mois.

Belga (Photo : Arch. Bx1)