La Belgique est une destination phare des réseaux de prostitution de mineurs nigérians

Elles sont nombreuses, enfermées psychologiquement par des rituels vaudous, à traverser la Méditerranée pour être exploitées sexuellement en Europe. Sur les 3.000 mineures nigérianes à être arrivées sur le Vieux Continent en 2016 (selon l’OIM), un grand nombre ont fini leur route en Belgique.

Or, seuls 20 mineurs non accompagnés (Mena) nigérians ont été signalés dans le pays cette année-là, rapporte lundi dans son rapport annuel le Centre fédéral migration Myria. Pour lui, ces chiffres illustrent clairement que “dans le domaine de la détection des victimes de la traite des êtres humains mineurs, la Belgique a des efforts importants à fournir”.

Pour Myria, il importe d’intensifier et diversifier des formations à l’attention des acteurs de première ligne (magistrats, tuteurs, services d’aides à la jeunesse). Nombre d’entre eux sont en effet “insuffisamment au courant des indicateurs de traite des êtres humains”.

Le Centre estime aussi que “l’accueil de ces mineurs” – quand ils sont détectés et font usage de la procédure spécifique d’octroi de séjour – “n’est pas suffisamment adapté”. Il “est nécessaire de les accueillir dans des structures sécurisées”, à l’image du centre Esperanto, pourtant non reconnu, estime Myria. Il conviendrait également d’ouvrir un centre de ce type en Flandre qui n’en dispose pas encore.

Pour pallier ces problèmes et améliorer tant que faire se peut l’accompagnement des mineurs en danger, Myria plaide pour la mise en place, par la Cellule interdépartementale de coordination de la politique, d’un groupe d’experts indépendants, chargé de formuler des propositions concrètes pour répondre aux défis de détection, d’accueil et de séjour de ces victimes.

Au-delà de ce focus sur les mineurs, le rapport de Myria dévoile d’autres chiffres globaux. Il en ressort que les infractions pour trafic d’êtres humains sont en forte hausse en Belgique: elles sont passées de 219 en 2013 à 463 en 2017. La Flandre est surtout concernée, puisqu’elle cristallise 75% de ces infractions, tandis que 19% ont été signalées à Bruxelles et 5% en Wallonie. Les villes de Gand (75), Bruxelles (37) et Bruges (31) sont pointées, de même que l’aéroport de Zaventem (32). En outre, “19 victimes de trafic aggravé sont entrées dans la procédure en 2017, dont quatre mineurs.”

Les infractions pour traite des êtres humains enregistrées par la police ont elles été au nombre de 329 l’an dernier: 155 pour exploitation économique, 149 pour exploitation sexuelle, 14 pour exploitation de la mendicité et 11 pour contrainte à commettre un délit/crime.

Globalement, Myria remarque une augmentation du nombre de victimes d’exploitation sexuelle entrées dans la procédure sur la période 2013-2017 et une diminution de celles d’exploitation économique. Concernant la migration de transit, il y a eu 9.347 arrestations en 2017, alors qu’il n’y en avait eu que 1.329 en 2013. De ces arrestations, 17% ont mené à un signalement d’une personne se déclarant mineur non accompagné au service Tutelles.

Sur ce point, Myria rappelle que “les déclarations de victimes de trafic constituent parfois la base du démarrage d’un dossier important de trafic. Or, ce modèle risque d’être fragilisé lorsque les moyens limités de la police sont uniquement consacrés à des contrôles de grande ampleur”. Pour le Centre, “de telles actions cadrent alors davantage avec une chasse aux immigrants clandestins, où le maintien de l’ordre et la lutte contre les nuisances sont prépondérants”. Myria plaide dès lors pour une approche humaine des victimes du trafic, basée sur la collaboration des victimes de trafic avec la justice dans le cadre du statut de victime aggravée de trafic d’être humains.

Belga, image d’illustration

 

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22 octobre 2018 - 12h11
Modifié le 22 octobre 2018 - 14h18