Reprise du secteur Horeca : certains établissements bruxellois préfèrent attendre avant de rouvrir

Restaurant Poule et Poulette Bruxelles - Belga Jasper Jacobs

C’est l’une des mesures phares de la phase 3 du déconfinement : la réouverture, à certaines conditions, des bars et des restaurants. Tables plus espacées, service en salle uniquement… des mesures qui compliquent sensiblement le travail des restaurateurs et des cafetiers et qui ont un impact non négligeable sur leur rentabilité.

Certains restaurateurs ont d’ailleurs choisi de ne pas rouvrir tout de suite. “Suite aux quelques coups de fils passés ces derniers jours, nous avons appris qu’environ 1 établissement sur 3 est resté fermé. En attendant un assouplissement éventuel des mesures. Peut-être le 1er juillet”, explique Fabian Hermans, administrateur de la Fédération Horeca Bruxelles.

Soutien des clients et retour des habitués

À la tête de Tribe Agency, spécialisée dans la communication “food”, Audrey Thiriar a pris la température dans plusieurs des restaurants de ses clients, dont la plupart ont rouvert. “L’ambiance est plutôt bonne. Les clients sont positifs et les restaurateurs jouent le jeu. Les restaurants sont quasi complets pour deux semaines, mais après… on ne sait pas”.

Thomas Kok, lui, est à la tête, avec différents associés, de plusieurs bars bruxellois, comme La Maison du Peuple à Saint-Gilles. “On assiste vraiment au retour des habitués et ça fait plaisir. Mais le sentiment est mitigé. Ce n’est pas non plus la ruée. Les tables sont assez vite complètes et on doit refuser du monde. On perd quand même énormément. La formule est tenable à court terme, jusqu’en septembre maximum”.

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“Un restaurant comme La Cocina a perdu 40% de ses tables. Un manque à gagner que le double service du soir ne compense pas. C’est moins compliqué pour un étoilé comme Villa in The Sky qui dispose de peu de tables, déjà très espacées”, ajoute Audrey Thiriar de Tribe Agency.

Un sentiment confirmé par Sophie Heuskin de l’Union des Classes Moyennes (UCM) Bruxelles : “Nous avons sondé quelques-uns de nos affiliés. La clientèle revient petit à petit mais pas d’engouement pour autant. Les établissements qui offrent une terrasse ou un jardin sont privilégiés mais la météo a eu un impact négatif.”

Service en salle plus cher

“Au-delà de la rentabilité, c‘est le service en salle qui nous coûte cher”, précise Thomas Kok. “À la Maison du peuple, en rouvrant seulement une partie de la journée, de 16h à 1h du matin, nous employons tout l’effectif, avec une rentabilité moindre”. Le personnel doit aussi faire un sérieux travail d’information. “Souvent, les clients qui se présentent ne connaissent pas les nouvelles règles. Il faut prendre le temps de leur expliquer et de les encadrer. Du boulot en plus pour nos serveurs”.

2 000 emplois menacés et 30 % de faillites annoncées

Les prévisions pour le secteur ne sont pas bonnes. “C’est sûr et certain, il y a des restaurants qui ne vont pas tenir le coup. Plus qu’on ne le croit”, analyse Audrey Thiriar. “On est gonflé à bloc jusqu’en septembre mais si ça perdure, on va commencer à avoir chaud”, ajoute Thomas Kok. “Certains patrons continuent à utiliser le chômage pour force majeure pour une partie de leur personnel. Sans garantie de pouvoir garder l’entièreté de celui-ci à l’avenir”, précise Sophie Heuskin de l’UCM Bruxelles.

“On annonce 2 000 licenciements dans l’Horeca, soit 10 % de la main d’œuvre bruxelloise”, s‘inquiète Fabian Hermans de la Fédération Horeca. “30% de faillites annoncées dans le secteur sur le territoire de la Belgique”. Alors la Fédération se bat pour obtenir plus de mesures de soutien. “Nous avons gagné une bataille, nous pouvons rouvrir les bars et les restaurants, mais nous n’avons pas gagné la guerre. Il faut maintenant obtenir plus de mesures de soutien pour le secteur. La TVA passe à 6% jusqu’à la fin de l’année. Très bien, mais ça ne suffit pas. Nous demandons aussi l’annulation des charges ONSS”.

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Un secteur qui doit se réinventer

Les établissements qui ont rouvert et ceux qui ont fait le choix de ne pas rouvrir poursuivent souvent le “take away” (service à emporter). Une façon de gonfler un peu le chiffre d’affaires. Un volet à explorer, voire à développer. Il faudra aussi se réinventer en fonction de l’évolution des mesures. “Certains de nos clients ont pris ce temps de pause pour repenser leur concept”, précise Audrey Thiriar de Tribe Agency.

Lize Batugowski, elle, vient de reprendre le restaurant Alexandre, dans le centre-ville. “J’ai profité de ce confinement pour revoir toute la déco et en faire l’endroit dont je rêvais. Un restaurant sur le thème de la littérature. Nous rouvrons vendredi et nous sommes sereins”. Les restaurateurs et les cafetiers doivent s’adapter à ce contexte très particulier. Tous espèrent un retour à la normale le plus rapidement possible.

Valérie Leclercq – Photo : Belga/Jasper Jacobs

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10 juin 2020 - 18h20
Modifié le 11 juin 2020 - 11h27