L’association Alias fait le point sur la prostitution étudiante des hommes et des personnes trans

Active depuis 2009 auprès des HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes et des personnes trans qui pratiquent le travail du sexe), l’asbl Alias a voulu faire un état des lieux de la prostitution étudiante. ”On rencontre peu ce public étudiant” explique Lucie Allo, chargée de projet chez Alias et qui a coordonné cette étude. “Grâce à cette recherche, on peut mieux le comprendre, voir qui il est et mieux l’accueillir.” 

L’asbl Alias a diffusé durant 2 mois et demi un questionnaire en 5 langues via son réseau, les réseaux sociaux et des sites d’escort. Elle a aussi procédé à des entretiens individuels semi-directifs. 39 personnes ont répondu au questionnaire, 8 ont participé à une rencontre. “Il est difficile d’avoir des chiffres” explique Lucie Allo. “C’est un public fort spécifique.” Il n’a pas été simple pour l’association de trouver des répondants et répondantes correspondant au profil. Il s’agit de personnes stigmatisées qui gardent souvent secrète cette activité. “Un des constats les plus frappants, c’est que 90% des personnes interrogées sont LGBTQ+. Ils ou elles souffrent d’une double stigmatisation, en tant que travailleurs du sexe mais aussi à cause de leur orientation sexuelle ou de leur réalité de genre.

Précarité étudiante

L’étude menée par Alias reflète aussi la précarité étudiante. Plus de 97% des répondants et répondantes reçoivent de l’argent en échange de leurs services. La moitié bénéficie aussi d’une aide financière de la famille ou exerce en plus un job d’étudiant. “De nombreuses personnes qui ont pris part à l’enquête cumulent différentes sources de revenus” confirme Lucie Allo. “Et l’argent gagné est d’abord alloué aux dépenses quotidiennes.” Viennent ensuite les études (minerval, livres) et les loisirs.

Secret et stigmatisation 

Souvent, les étudiants et étudiantes qui pratiquent le travail du sexe n’en parlent pas à leur entourage. Ces enjeux liés à la stigmatisation et au secret autour de leur activité ont pu être approfondis lors des entretiens individuels. “Ils ou elles doivent cacher leur identité, jongler avec deux téléphones portables, et ont peur de rencontrer un client en sortant avec des amis” ajoute Lucie Allo.

Des besoins en termes de santé et d’accompagnement

Cette enquête permet aujourd’hui de mieux cerner celles et ceux qui pratiquent ce type de prostitution et de définir leurs besoins, en termes de santé notamment. Plus de 94% des répondants et répondantes ont accès à des services médicaux mais ils sont plus de 83% à ne pas parler de leur activité à leur médecin. “Ils passent à côté d’opportunités de dépistage par exemple” explique Lucie Allo. “Nous voulons, par le biais de cette étude, faire connaître les services proposés par Alias : dépistage, vaccination…” Une vidéo de sensibilisation a d’ailleurs été réalisée par l’association.

Travailleurs du sexe et “chemsex”

Alias a également voulu en savoir plus sur les réalités et les enjeux du “chemsex” auprès de son public cible. “Le chemsex” explique l’étude “est la prise de produits psychoactifs ou drogues, légales ou non, dans un but sexuel.” “Nous voulions faire un état des lieux de ce phénomène, des nouveau codes des HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes) nés de l’arrivée de nouvelles substances et des applications de rencontre” précise Mans, travailleur communautaire chez Médecins du Monde détaché chez Alias. L’approche d’Alias est de n’exclure aucun produits : les plus consommés sont les médicaments, stimulants sexuels de type Viagra, puis viennent l’alcool, le poppers, la cocaïne, le GBL/GHB, le cannabis, l’ecstasy, le crystal meth, etc. “Nous voulons informer notre public sur ces produits, pour éviter notamment les overdoses et former aussi les professionnels de la santé qui ne sont pas toujours au courant des nouvelles substances qui circulent.” Les travailleurs du sexe qui pratiquent le “chemsex” ne se considèrent pas comme des toxicomanes, d’où l’importance d’avoir une approche très spécifique.

Valérie Leclercq – Photo: Belga/Paul-Henri Verlooy

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18 septembre 2020 - 06h30
Modifié le 18 septembre 2020 - 18h50