Nicaragua: opposition et gouvernement retrouvent la table des négociations

Le gouvernement nicaraguayen et l’opposition ont retrouvé jeudi la table des négociations pour tenter de sortir le pays de la crise politique, après l’engagement du pouvoir du président Daniel Ortega de libérer sous trois mois tous les opposants. Les pourparlers, relancés le 27 avril après plusieurs mois d’interruption, étaient dans l’impasse depuis lundi. L’opposition avait alors suspendu sa participation pour protester contre la violente répression menée samedi contre des manifestants qui réclamaient la libération de tous les “prisonniers politiques”.
Elle considérait par ailleurs la libération conditionnelle de 150 opposants depuis la reprise du dialogue comme “insuffisante”.
Mercredi, le gouvernement a finalement cédé aux exigences de l’opposition en annonçant qu’il procèderait sous trois mois à la libération de tous les opposants détenus depuis avril 2018, date des premières manifestations anti-gouvernementales, sans toutefois en préciser le nombre.
Selon une liste établie par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), 647 opposants sont emprisonnés au Nicaragua depuis cette date. Le gouvernement évoque 350 prisonniers, tandis qu’un comité de familles de détenus avance le chiffre de 807.
C’est une “grande avancée”, s’est félicité néanmoins mercredi Max Jérez, membre de la délégation de l’opposition et représentant des étudiants.
Plusieurs experts souligne que le président Daniel Ortega, 73 ans, s’est vu contraint de céder sous la menace de nouvelles sanctions de la part de Washington et de l’Union européenne, et sous la pression interne des représentants du secteur économique.
Longtemps alliés du pouvoir, ces derniers subissent de plein fouet la récession provoquée par onze mois de crise politique qui a fait 325 morts, essentiellement dans les rangs de l’opposition, et poussé à l’exil plus de 50.000 Nicaraguayens.
Après avoir dirigé le pays de 1979 à 1990 à l’issue de la révolution sandiniste, Daniel Ortega est revenu au pouvoir en 2007. Les opposants accusent l’ex-guérillero d’avoir instauré une dictature. Ils réclament son départ et celui de la vice-présidente, son épouse Rosario Murillo.
Le chef de l’Etat dénonce une tentative de putsch de l’opposition avec le soutien de l’Eglise et de Washington.
Le gouvernement d’Ortega “s’érode, s’effondre et s’isole sur la scène internationale, il n’a d’autre choix que d’ouvrir la porte au rétablissement de la démocratie au Nicaragua”, a estimé auprès de l’AFP l’ex-guérilléra sandiniste et historienne Dora Maria Téllez. Selon elle, l’accord de mercredi montre que “Ortega reconnaît qu’il y a des prisonniers politiques et qu’il doit les libérer”.