“Mezzanine XXI”, le soleil noir de Massive Attack au Zénith

Toujours aussi radical, exigeant et puissant: Massive Attack a irradié le Zénith de Paris lundi en jouant en intégralité son indémodable chef d’oeuvre “Mezzanine”, vieux de 21 ans mais qui en avait au moins autant d’avance et reste plus que jamais cohérent. Avec le groupe de Bristol, qui n’aime rien tant que ne rien faire comme les autres, nul hasard si cette tournée anniversaire a lieu… 21 ans après la sortie de son disque fétiche et non pas 20.

Comme tout n’est que concept dans le cerveau de 3D (Robert Del Naja) et Daddy G (Grant Marshall), pour qui les chiffres symboliques ne sont donc pas nécessairement ronds, le projet a été baptisé “Mezzanine XXI”, en référence au passage au nouveau millénaire qu’annonçait alors leur opus, lui même très fin de siècle.

Sauf que la grande inconnue était de savoir comment ce grand classique qui marqua tant les années 90, à la fois sommet atteint par le trip hop et sa fin annoncée, allait passer l’épreuve du temps. Que ce soit son discours, déjà très engagé politiquement, ou sa musique qui puisait dans tant d’esthétiques pour créer la sienne propre.

L’entrée en matière de Massive Attack déroute mais répond à cette logique. Après une introduction tonitruante avec guitares saturées, soutenues par un inconfortable effet stroboscopique rouge et blanc, résonnent à la surprise générale les premières notes de “I Found a Reason” du Velvet Underground.

En visuel, des images vieilles d’une vingtaine d’années: une ville du futur telle qu’imaginée à l’époque et ressemblant à Dubaï, Tony Blair, Saddam Hussein, le World Trade Center, Britney Spears hagarde et harcelée par les paparazzis… On se dit que le monde a en effet bien changé.

Suit alors “Risingson” qui sampla quelques notes de ce titre du Velvet issu de l’album “Loaded”.

Tout au long du concert, le groupe prendra ainsi soin de reprendre une chanson qui servit à en confectionner une de “Mezzanine”. Ainsi “10:15 Saturday Night” des Cure samplé pour “Man next door” ou “Rockwrock” tube post-punk d’Ultravox, pareillement utilisé pour “Inertia Creeps”.

Cette façon de rendre justice aux artistes et aux courants musicaux ayant influencé 3D, Daddy G et Mushroom (Andrew Vowles), qui quitta ses camarades après la tournée de 1999, offre un premier moment fort avec la reprise de “Bela Lugosi’s Dead” de Bauhaus.

Une chanson fondatrice: “Robert Del Naja m’a dit un jour qu’il était venu avec un garçon de 12 ans appelé Tricky, à un de nos concert à Bristol au début des années 80 et que cette soirée avait lancé Massive Attack”, raconta récemment sur Twitter le bassiste de Bauhaus, David J Haskins.

Quand les images cessent, surgissent des messages traduisant ce qu’était l’époque il y a vingt ans, ses utopies toutes évaporées, ses paranoïas toutes amplifiées depuis. Et par dessus, la musique tantôt claustrophobique, tantôt envoûtante de Massive Attack de se dérouler avec les voix d’Horace Andy (“Man Next Door”) et d’Elizabeth Fraser (“Black Milk”, “Dissolved Girl”).

Sans fioriture, le show monte encore en intensité sur sa fin, sans que le groupe ne s’adresse une seule fois au public, et le sommet est atteint sur “Angel”, porté par une rythmique insensée assurée grâce à deux batteries.

Un ange – noir – passe ensuite sur le tube “Teardrop” et on se dit, à quelques minutes du terme, que le Dr House, à qui il sert de générique pour la série éponyme, ne serait pas de trop pour réanimer le public K.O. devant tant de grâce et de perfection.

Partager l'article

12 février 2019 - 10h55