L'histoire allemande racontée par ses statues mises au rebut

Statues déboulonnées, mises à l’écart voire enterrées, elles ont jadis façonné l’espace berlinois, et font désormais partie d’une exposition organisée dans la capitale allemande, où elles témoignent des tumultes de l’histoire du pays. Andrea Theissen est l’initiatrice de cette exposition “Berlin et ses monuments”, au coeur de la citadelle de Spandau, une forteresse de la fin du 16e siècle, située à l’ouest de la ville. Depuis une dizaine d’années, cette femme s’est mise en quête de récupérer et de regrouper ces monuments éparpillés, parfois complètement oubliés, avec en tête l’idée qu’il ne sert à rien de fuir sa propre histoire.

Ces monuments sont “le témoignage d’époques particulières, ils sont littéralement de l’Histoire ‘gravée dans la pierre'”, a souligné la ministre allemande de la Culture, Monika Grutters, lors de l’inauguration cette semaine. “Et ce travail critique sur notre culture des monuments est essentiel pour l’élaboration de notre propre Histoire”, a-t-elle jugé. Des premiers rois de Prusse à la Réunification, l’exposition qui rassemble plus d’une centaine de sculptures, traverse près de trois siècles.

Elle permet notamment de découvrir ce qui reste de “L’Allée de la Victoire”, un ensemble de plusieurs dizaines de statues, souhaité par l’empereur Guillaume Ier (1871-1888) pour affirmer la légitimité de son pouvoir. Cette monumentale galerie de portraits qui part des premiers princes germaniques pour mener jusqu’à Guillaume était exposée dans le Tiergarten, le grand parc du centre de Berlin. “Ils montrent d’une part ce que souhaitait l’empereur Guillaume mais ils témoignent aussi des combats à Berlin en 1945: les traces de balles, les membres manquants, les têtes défigurées” sont autant de stigmates de cette histoire difficile, explique Mme Theissen.

De la période nazie, il y a peu de monuments dans l’exposition car, explique Mme Theissen, sous le Troisième Reich, l’attention des dignitaires était focalisée sur l’architecture. La conservatrice aimerait cependant bien récupérer des bas-reliefs qui ornaient la chancellerie d’Adolf Hitler, retrouvés dans le hangar d’un particulier en mai 2015. Une bataille juridique oppose cependant ce dernier à l’Etat et le litige concernant ces oeuvres signées du sculpteur préféré du Führer, Arno Breker, n’est pas prêt d’être tranché. Soutenue par un important dispositif technique (vidéos, photos, écrans tactiles) et des explications historiques détaillées, cette exposition ouvre vendredi au public.