Frederick Wiseman plonge sans préjugé dans l’Amérique de Trump

Cinéaste de l’urbain, le documentariste américain Frederick Wiseman a effectué un voyage au plus profond des Etats-Unis, dans cette Amérique de Trump tant fantasmée dont il fait, dans “Monrovia, Indiana”, un portrait sans jugements. En plus de cinquante années à filmer et quasiment autant de documentaires, de “Titicut Follies” à “In Jackson Heights”, le réalisateur de 88 ans n’avait encore jamais posé sa caméra dans la campagne américaine. Au printemps 2017, mis en contact par une amie, il s’est rendu à Monrovia accompagné d’une responsable des pompes funèbres locales, qui lui a ouvert les portes de cette bourgade d’un gros millier d’habitants.

Il pose sa caméra durant plusieurs semaines dans ce coin de l’Indiana, hors du temps. “Je n’étais pas là il y a 50 ans, mais je dirais que le rythme de vie y est quasiment le même”, dit le documentariste, dont le film devrait sortir le 3 avril 2019 en France. Bien que Monrovia “soit à 40 minutes seulement d’Indianapolis, elle est isolée. Pas géographiquement, mais par choix.”

Du lycée à l’armurerie, en passant par le coiffeur, le tatoueur, ou le supermarché, il pose son regard clinique sur les gens de Monrovia et leurs interactions, comme à son habitude sans voix off, sans interview ou mise en situation. Tout à la fois au plus près mais aussi en retrait, il laisse la vie se dérouler, capte les non dits, le sens des regards, les moments de solitude, les angoisses silencieuses.

A Monrovia, où la population est très majoritairement blanche, la vie s’écoule au rythme des saisons, qui dictent l’activité de cette agglomération très agricole, tournée vers le maïs et l’élevage. En 2016, le comté de Morgan, où se trouve Monrovia, a voté à 75,9% pour Donald Trump. Mais Frederick Wiseman a choisi de ne pas évoquer directement le sujet dans son film, où le nom même du président des Etats-Unis n’est pas mentionné une seule fois.