Déclaration universelle des droits de l’homme – Les droits fondamentaux, consacrés il y a 70 ans, sont menacés

Week-end festif en perspective: la Déclaration universelle des droits de l’homme souffle ses 70 bougies lundi. Adoptée le 10 décembre 1948 par les Nations unies, elle institue notamment que tous les êtres humains naissent libres et égaux et que chacun bénéficie de ces droits fondamentaux sans distinction de couleur, sexe, langue, religion… Après septante ans, ces droits se trouvent toutefois menacés, avertit la Ligue des droits de l’Homme. La Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) est adoptée le 10 décembre 1948 par l’Onu. “Elle résulte de la Deuxième Guerre mondiale et du traumatisme de la Shoah”, rappelle Pierre-Arnaud Perrouty, directeur de la Ligue. “Depuis, de gros progrès ont été effectués mais l’évolution des droits de l’Homme n’a jamais été constante, oscillant entre amélioration et stagnation.” L’Europe se trouve actuellement “dans une période de stagnation, voire de régression”.

Les droits fondamentaux peuvent être menacés “par un discours qui se crispe sur l’opposition entre ces droits et la souveraineté des États”, explique Sylvie Sarolea, professeur de droit international à l’Université catholique de Louvain. “Or, les droits fondamentaux émanent de la souveraineté. Ils ont d’abord été consacrés dans des Constitutions nationales avant d’être régionalisés et internationalisés”, note cette avocate spécialisée dans les droits de l’Homme. “Opposer droits de l’Homme et souveraineté des États est une hérésie à mon sens car l’État est auteur et acteur de ces droits.” “Si l’on considère les droits fondamentaux comme un outil d’émancipation individuelle, il n’y a pas de raison de faire peser une menace sur eux”, ajoute-t-elle. La DUDH recherche un équilibre entre droits individuels et intérêts collectifs, “ce qui est concomitant à la vie sociale. La déclaration a formalisé ce concept”.

“Le plus grand sujet de préoccupation tourne autour de la migration”, avance M. Perrouty. La crise gouvernementale déclenchée par le Pacte de l’Onu sur les migrations le sidère car “le pacte a été négocié, les résolutions sont minimales et non contraignantes”. Ne pas réussir à l’adopter sans heurts montre selon lui “une trahison des droits humains” car “au-delà de la Shoah, la DUDH visait aussi les déplacements de populations qui avaient résulté de la guerre”.

“On risque de revenir en arrière dans cette période de crise identitaire, où on a l’impression que les acquis ont fragilisé l’État”, craint Mme Sarolea. “Ce serait dommage, alors que les droits fondamentaux s’adaptent à la société.” Ceux-ci ont d’ailleurs évolué, avance la professeure de droit international. “On est parti d’un droit essentiellement négatif, par lequel on interdisait, à une vision plus positive et proactive. La perception verticale, portant uniquement sur la relation entre l’État et les personnes, s’est muée vers une vision plus horizontale. Enfin, des droits procéduraux sont apparus alors qu’à l’origine, c’était surtout un ensemble de droits matériels”, explique-t-elle.

L’évolution est nécessaire, ne serait-ce que dans les termes utilisés: l’expression “droits humains” remporte de plus en plus de faveurs car “droits de l’Homme” ne renvoie qu’au genre masculin, excluant les femmes, enfants “mais aussi transgenres, intersexes…”, pointe M. Perrouty. En outre, d’autres défis apparaissent comme la question des réfugiés climatiques alors que la Convention internationale relative au statut des réfugiés, dite Convention de Genève, “n’inclut pas le climat dans les raisons pour accorder le statut de réfugié”.

“Ce sont surtout les pratiques politiques qui doivent changer”, assène Pierre-Arnaud Perrouty. “L’UE affirme vouloir faire évoluer les droits fondamentaux mais elle conclut un accord avec la Turquie sur la migration, alors que ce pays maltraite sa population et ne respecte pas les droits de l’Homme. L’Europe ne peut vouloir être championne des droits de l’Homme et agir ainsi. C’est l’un ou l’autre”, conclut-il.