Attentats à Bruxelles – deux ans après – “La Belgique manque d’expertise en matière de victimes de terrorisme”

En Belgique, peu de gens comprennent vraiment ce qu’est le terrorisme et comment traiter les victimes, estime l’association V-Europe, qui rassemble quelque 200 personnes touchées lors des attentats du 22 mars 2016. Il existe un manque criant d’expertise en la matière, tant du côté des autorités que de celui des assurances, déplore son président, Philippe Vansteenkiste. L’approche du 22 mars constitue une période “très difficile”, admet M. Vansteenkiste, dont la sœur a été tuée à Brussels Airport. “Il y a le stress qui monte et une frustration qui est toujours là. On est deux ans après, et les commémorations font réaliser à beaucoup de gens qu’ils ne sont toujours pas aidés comme ils devraient l’être.”
L’association qu’il préside déplore principalement un manque d’expertise dans le traitement des victimes de terrorisme, alors que la Belgique pourrait s’inspirer d’autres pays européens. “On ne sait pas où aller et il n’y a pas de suivi adéquat. Il faut une réelle prise de conscience. Tendre la main aux victimes, notamment grâce à une véritable législation en la matière comme en Espagne, c’est réellement lutter contre le terrorisme. C’est une manière de montrer l’unité d’un pays – ce que visent notamment les terroristes – et d’aller de l’avant.”
L’autre constat amer posé par V-Europe concerne les indemnisations. “Il y a eu peu d’avancée depuis un an. L’aide urgente a été accordée, mais l’aide principale n’arrive toujours pas, les dossiers avec les assurances n’ayant pas encore été clôturés. Il est ainsi incompréhensible que l’on juge certaines personnes sans une prise en compte correcte du stress post-traumatique qui aura un impact sur le restant de leur vie.”
M. Vansteenkiste souligne à quel point il est difficile pour les personnes touchées de devoir se “revictimiser” pour ne pas perdre des droits, alors qu’elles voudraient aller de l’avant. “Le système actuel fait qu’il faut continuellement prouver qu’on est une victime, se justifier sans cesse de ses blessures.”
“Deux ans plus tard, les problèmes ne sont plus les mêmes”, poursuit-il. “Par exemple, on ne comprend pas qu’en cas de trouble de stress post-traumatique, une invalidité de 10% ne soit pas forcément reconnue, ce qui donnerait certains droits en vertu de la loi de juillet 2017. Le fait que des gens aient perdu tout plaisir de vivre, cela ne vaut-il pas ces 10%? Qu’on s’inspire de l’expérience d’autres pays et qu’on rouvre les dossiers.”
Outre la législation espagnole, des initiatives françaises pourraient inspirer les autorités belges, estime le président de V-Europe, comme les “pupilles de la Nation” (statut qui offre une protection particulière et des aides aux orphelins de guerre, et qui a été étendu aux cas de terrorisme) et le gel des impôts pendant la convalescence. “Il faut regarder l’image dans son ensemble et donner le temps aux victimes de réintégrer la société, ce qui est d’ailleurs leur priorité.”
Philippe Vansteenkiste reconnaît qu’il y a “beaucoup de gens qui travaillent au sein des ministères, des cabinets, et qui sont disponibles” pour les victimes. “Nous le saluons, mais on ne voit pas encore de résultat. On perd du temps car la communication entre les différentes entités qui prennent part à la problématique n’est pas toujours simple.”
“On entend que cela bouge”, conclut-il, en référence à l’annonce récente d’un projet de loi qui devrait améliorer les conditions d’indemnisation des victimes du terrorisme. “Mais on attend du concret.”