Des journalistes citoyens pour montrer “la vérité sans montage” dans les manifestations

À côté des équipes de la RTBF, de RTL, de Belga ou de BX1, des citoyens relatent sur les réseaux sociaux les manifestations. Ces “journalistes citoyens” ou “médias indépendants” veulent relater les faits, mais qui sont-ils ?

Ils étaient 50 000 selon la police. 500 000 selon les organisateurs. Parmi eux, des journalistes citoyens et des médias indépendants qui ne dépendent d’aucune structure dite traditionnelle. Bien souvent, ce sont des simples citoyens qui viennent avec un smartphone filmer les participants pour montrer ce dont ils sont témoins. Ils sont suivis par des centaines de milliers d’abonnés qui s’éloignent des médias classiques dans lesquels ils ne se reconnaissent plus.

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Certains de ces médias sont assujettis à une idéologie comme Sputnik France ou RT France dont les fonds viennent de Russie. Il y a ceux aussi qui se sont structurés avec le temps comme Vécu, ce média français né du mouvement des Gilets jaunes. Mike fait aussi partie de cette mouvance même si lui n’a pas voulu se structurer comme Vécu dont le site internet ressemble à celui d’un média conventionnel avec une hiérarchisation de l’information. Un des membres du média a été arrêté par la police dimanche et le journaliste de Brut, Rémy Busine, s’est fait chasser également.

Mike alias Rambo Mike au départ, vit en région parisienne. En 2018, il participe au mouvement des Gilets jaunes. Rapidement, il filme ce qu’il voit et commente en y mettant une dose d’humour. Quelque 70 personnes le suivent, mais les chiffres augmentent au fil du temps notamment parce que Mike est naturel. Et puis, il est relayé par d’autres journalistes citoyens plus expérimentés comme Jérôme Rodrigues, 229 000 abonnés sur Facebook. “Je suis devenu doucement un leader des gilets jaunes, mais je ne voulais pas l’être. Ce que je voulais, c’était montrer la vérité en direct. Je montre tout, du début à la fin. Ce n’est pas comme BFM TV qui sélectionne et fait des montages. On le voit dans les médias traditionnels. Ce sont les bras armés du pouvoir.”

Mike se souvient d’un jour où il a vu des policiers forcer des manifestants à se retrancher dans un hôpital. À la télé, il a entendu que les manifestants avaient pris d’assaut l’hôpital. “On avait inversé la vérité. C’est comme pour les chiffres du nombre de participants hier à Bruxelles. Je peux vous garantir qu’il n’y avait pas 50 000 personnes !”

Le direct en gage de vérité

Mike ressent le même sentiment que ceux qui l’écoutent. Il n’a plus confiance. Il veut la vérité et c’est sur les médias alternatifs qu’il la trouve. Aujourd’hui, il est suivi par 120 000 personnes, tous réseaux sociaux confondus. Son fonds de commerce, ce sont les lives. Il compte d’ailleurs engager une personne pour pouvoir suivre toutes les manifestations en direct. “Je suis apolitique. Je ne supporte pas le racisme. Je fais d’ailleurs de la modération sur ma page Facebook. On supprime toujours les commentaires racistes ou qui appellent à la haine. Les trolls, je les repère et je les chasse. Après, je discute avec tout le monde, même avec les politiques de droite ou de gauche, mais pour moi, ils sont tous à mettre dans le même sac et ne sont pas la solution. C’est leur faute tout ça.”

Mike a une carte de presse d’une agence américaine, pas la française nous précise-t-il, alors la police le laisse tranquille. Il évite juste de filmer leur visage. Idem pour les casseurs. “Je ne les soutiens pas, mais je comprends les Black blocs qui viennent pour casser les banques ou des Mc Do. C’est leur manière de lutter contre le capitalisme. Par contre, quand je les vois à 15 secouer le flic seul dans son fourgon ou taper un mec à terre, c’est facile et ce n’est pas ça, les vrais Black blocs.”

Une agression dimanche

Dimanche, lors de la manifestation, Mike s’est fait sauter dessus par un manifestant venant des Pays-Bas. Il lui a cassé son stabilisateur, l’a insulté et il a perdu une partie de son matériel. Ce sont d’autres manifestants francophones qui le connaissaient, qui l’ont protégé. “En France, je n’ai pas trop ce problème, car les gens me connaissent vu que je fais toutes les manifestations. Et puis, je n’ai pas vraiment un physique de crevette.”

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Des insultes, des gens qui disent qu’il est vendu à la solde des politiques, il connait également, mais il s’en fiche. “Il y a des gens qui me reconnaissent, qui me saluent dans la rue. Je ne m’attendais pas à cela. Je reste humble et je veux toujours la même chose : donner la parole aux gens, faire des directs et montrer la vérité. Je suis comme un journaliste. Je suis neutre et je vais dans toutes les manifestations en France et même en Belgique.”

Pour vivre, cet ancien déménageur lance des appels aux dons à chaque live. Dimanche, 45 internautes ont fait un don. Mike ne souhaite pas dire combien il a reçu, mais cela peut aller jusqu’à 500 euros, nous dit-il. Aujourd’hui, il espère pouvoir engager une personne supplémentaire pour les directs et une modératrice pour structurer sa page Le média de Mike en une sorte d’agence de presse.

Vanessa Lhuillier – Photo : Le média de Mike/Facebook

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24 janvier 2022 - 18h15
Modifié le 25 janvier 2022 - 10h54