Berchem-Sainte-Agathe : Que retenir des 16 ans de maïorat de Joël Riguelle?

Il a démarré la politique au PSC voici 44 ans. L’ancien professeur a un jour mis un doigt dans l’engrenage de la politique et s’est pris au jeu. Aujourd’hui, il a décidé de tourner la page pour se consacrer à ses passions et à sa famille.

Paradoxalement, Joël Riguelle est plutôt un homme mystérieux. S’il n’hésite pas à monter sur les planches d’un théâtre ou jouer de la guitare sèche dans une salle de concert, il reste plutôt discret sur sa vie. En politique, rares sont ceux qui le connaissent réellement, à part peut-être ceux qui ont fait les scouts avec lui. En tout cas, tous s’accordent sur un fait: Joël Riguelle est un bosseur, un homme de convictions qui, une fois qu’il a pris une décision, n’en démord pas. “Je l’ai connu comme chef de la majorité alors que j’étais dans l’opposition et comme membre du collège, et je dois dire que je découvre l’homme, explique Yonnec Polet (PS), échevin de l’Enseignement depuis 2 ans. Avec l’opposition, il peut être dur et très tranché. Une fois dans son collège, je vois qu’il est possible de discuter et il se tient à l’accord de majorité. Il se fait sa religion et n’en bouge plus après.”

Cette façon de travailler lui a permis de mener à bien de nombreux projets au cours de sa carrière, comme échevin d’abord puis comme bourgmestre depuis 16 ans. Il a ainsi élaboré le premier plan communal de développement, fait de la participation citoyenne avant l’heure ou encore créé le centre culturel de Berchem.

Relever le défi de l’essor démographique

Durant son maïorat, la commune de Berchem-Sainte-Agathe a énormément changé. De 18.500 habitants, elle est passée à 25.000 citoyens avec un âge moyen de 38,4 ans, soit à peu près celle de la Région alors qu’auparavant, Berchem était une commune plus âgée. Il a donc fallu construire des crèches et augmenter la capacité du réseau d’enseignement, multiplier les infrastructures sportives et construire du logement. Trois crèches ainsi qu’une deuxième école francophone sont sorties de terre.

Joël Riguelle a également préservé le côté vert de la commune en ne densifiant pas trop le bâti existant. Il a ainsi racheté l’ancien site de la Banque nationale pour en faire un complexe de sport, obtenu le classement de plusieurs zones vertes.

Un bon gestionnaire

Dans la majorité comme dans l’opposition, on reconnaît les qualités de gestionnaire de Joël Riguelle malgré les problèmes structurels de financement de la commune. Berchem a d’ailleurs introduit un recours auprès de la Cour constitutionnelle afin de revoir les critères de répartition de la dotation générale aux communes. “Nous avons peu de personnel communal mais nous arrivons à mener à bien des projets, c’est un élément important, explique Katia Van Den Broucke (Ecolo-Groen), échevine de la Transition. Avec les moyens que nous avons, nous nous en sortons pas si mal.”

Un point noir : la place Schweitzer

L’erreur de Joël Riguelle est certainement l’urbanisation de la place Schweitzer. Tout le monde s’accorde sur ce point. Pas assez conviviale, dangereuse pour les piétons comme pour les cyclistes, pas assez verte, des abris de transports en commun mal conçus. A entendre les Berchemois, rien ne va “mais il n’a jamais voulu le reconnaître”, commente le conseiller communal et ex-échevin,Vincent Riga, (MR). “Il s’attribue les réussites mais les échecs sont toujours la faute des autres. Cependant, il a toujours eu la compétence de l’urbanisme. Il doit aussi en tirer des conclusions.”

Pour Vincent Riga, l’espace public berchemois doit être repensé avec une amélioration de la propreté, de la sécurité également. “Les commerces se meurent. Il faut les aider à renaître et cela passe par un environnement de qualité.”

Des défis pour Christian Lamouline

Avant de démissionner à mi-mandat comme il l’avait imaginé, Joël Riguelle a choisi son successeur. Ce jeudi après-midi, Christian Lamouline a ainsi prêté serment comme nouveau bourgmestre de Berchem et de nombreux défis sont devant lui. “Il va falloir réunir les deux Berchem et éviter une augmentation de la dualisation”, ajoute le conseiller communal de l’opposition, Vincent Lurquin (DéFi). “Joël Riguelle avait tendance à travailler dans les quartiers qui fonctionnent bien et à oublier les autres. Il faudra y être attentif dans l’avenir. Il faut moderniser Berchem pour qu’elle ne soit plus une commune où on fait comme on a toujours fait. Le changement n’est pas négatif selon moi.”

Des projets immobiliers verront bientôt le jour. Il faudra aussi penser à de nouveaux équipements collectifs comme une école secondaire afin d’absorber l’essor démographique.

“Depuis 2009 et le moment où Joël Riguelle n’a pas été mis en bonne place sur la liste cdH pour les régionales, il est devenu aigri, en colère. Il s’énervait facilement. On ne l’a certainement pas traité de manière correcte mais cela n’était pas une raison pour en faire pâtir Berchem”, ajoute Vincent Riga.

“Il est fatigué de la politique, conclut Marc Vande Weyer (cdH), président du conseil communal. Je crois qu’il a vraiment envie d’autre chose aujourd’hui. Il y a 45 ans, sa femme a épousé un professeur et elle s’est retrouvé un an après leur mariage, avec un homme politique qui a consacré beaucoup de temps à sa carrière. Il a 66 ans. Il veut prendre du temps pour sa famille, s’occuper de ses deux petits-enfants de 14 ans. Leur naissance a vraiment été un changement important pour lui. Il a revu ses priorités.”

Les projets ne manquent pour l’ex-bourgmestre. Guitariste, comédien, il va entamer dès lundi les répétitions d’une adaptation burlesque du “Tour du monde en 80 jours” avec sa troupe qu’il a connue avec Sois Belge et tais-toi. Il compte aussi s’adonner à sa nouvelle passion, le golf, et écrire un livre sur ses années de bourgmestre. Peut-être y retrouvera-t-on un peu plus le ton du fameux prof de néerlandais qui a fait pleurer de rire des milliers de spectateurs et un peu moins celui du bourgmestre sérieux qu’il a été.

Vanessa Lhuillier – Interview de Fabrice Grosfilley – Photo: BX1