Reynders suggère l’envoi d’une délégation à Ryad pour évoquer l’implication saoudienne dans les attentats de Bruxelles

Saudi Minister of Foreign Affairs Adel bin Ahmed Al-Jubeir and Vice-Prime Minister and Foreign Minister Didier Reynders shake hands at a bilateral meeting between the Belgian Foreign Minister and his counterpart from the Kingdom of Saudi Arabia, Thursday 20 July 2017, at the Egmont Palace in Brussels. BELGA PHOTO THIERRY ROGE

Le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, a suggéré jeudi l’envoi, après l’été, d’une délégation belge en Arabie saoudite, pour discuter avec les autorités de Ryad des accusations d’implication du royaume wahhabite potentiellement contenues dans le rapport – encore à finaliser – de la commission d’enquête de la Chambre sur les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles.

“J’ai proposé d’organiser une mission à Ryad avec le président de mon département, les gens des services de renseignement et des services impliqués dans ces enquêtes pour expliquer la situation, (pour) montrer les preuves des allégations sur une possible implication de l’Arabie saoudite dans certains processus. Nous discuterons cela et si nécessaire (nous prendrons) certaines mesures ensemble”, a-t-il déclaré à la presse à l’issue d’un entretien avec son homologue saoudien, Adel Al-Jubeir, à Bruxelles, qui a notamment porté sur la question des droits de l’Homme.

Le chef de la diplomatie saoudienne a, lors de cette même conférence de presse au Palais d’Egmont, en revanche assuré que son pays, en pleine transformation, pratiquait, en termes de lutte contre l’extrémisme, la “tolérance zéro” envers le “terrorisme”, le “financement du terrorisme” et le “discours de la haine” – sans toutefois marquer explicitement son accord avec la proposition de M. Reynders, mais en se disant prêt à renforcer, plus généralement, la coopération bilatérale entre Bruxelles et Ryad.

Il a admis que des organisations saoudiennes ont, “dans le passé, dans les années 90”, été impliquées dans la propagation de l’extrémisme dans des pays européens. “Nous savons cela (mais) ces organisation n’existent plus, les gens qui en étaient en charge ne sont plus en état d’opérer car nous avons pris des mesures, dont le fait de les désigner auprès des Nations unies”, a dit M. Jubeir, sans citer de nom.

La commission d’enquête sur les attentats du 22 mars a pointé du doigt, dans le cadre du troisième volet de sa mission, le radicalisme en Belgique, la mainmise de l’Arabie saoudite sur la Grande Mosquée du Cinquantenaire à Bruxelles, à travers la Ligue islamique mondiale. L’un des experts de la commission a suggéré de confier cette mosquée, décriée pour la vision très rigoriste de l’islam qui y serait enseignée, à l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB), ce qui impliquerait de casser la concession accordée en 1967 par la Belgique au royaume saoudien – opération potentiellement délicate diplomatiquement.

M. Jubeir a par ailleurs défendu la rupture des relations diplomatiques avec le Qatar décidée le 5 juin par l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis (EAU) et l’Egypte et les sanctions imposées à Doha sous l’accusation de soutien au terrorisme, deux décisions qui ont plongé le Golfe persique – et son organisation régionale, le Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Qatar, Oman, Bahreïn, EAU et Koweït) – dans une profonde crise diplomatique.

Cette rupture s’accompagne de mesures économiques comme la fermeture des liaisons aériennes et maritimes avec le Qatar et de la seule frontière terrestre de l’émirat, ainsi que des interdictions de survol et des restrictions aux déplacements des personnes.

Ces quatre pays reprochent aussi au Qatar sa proximité avec l’Iran chiite, qui est le principal rival de l’Arabie saoudite, puissance sunnite régionale, alors que le Qatar nie ces accusations.

Ils ont présenté une série de treize demandes à Doha pour mettre fin à la crise parmi lesquelles la fermeture de la chaîne de télévision Al-Jazeera, la réduction de ses relations avec l’Iran ou la fermeture d’une base militaire turque au Qatar.

“Nous (l’Arabie saoudite et les trois autres pays) voulons que le Qatar cesse de soutenir le terrorisme, de financer le terrorisme, d’aider les terroristes et d’en abriter, d’inciter aux discours de haine et d’interférer dans les affaires de nos pays”, a lancé jeudi M. Jubeir, critiquant au passage le rôle lui aussi “très négatif” joué par l’Iran dans la région.

“Il est inacceptable d’avoir un responsable religieux justifiant les attentats-suicide sur votre télévision nationale”, a ajouté le chef de la diplomatie saoudienne, en parlant du Qatar. (Belga)