Les députés vont voter pour ou contre le délai de garde à vue à 48h et à 72h pour terrorisme

chambre_20150709Les députés se compteront jeudi à la Chambre. L’assemblée est appelée à se prononcer sur une révision de l’article 12 de la Constitution qui fixe le délai de garde à vue à 24 heures. La majorité tentera de réunir les deux tiers pour porter ce délai à 48 heures, et éventuellement 72 heures en cas d’infraction terroriste. Fait inédit, elle devra s’appuyer sur l’extrême-droite.

Cet allongement concrétise l’une des trente mesures anti-terroristes annoncées par le gouvernement en 2015. La majorité a déposé un texte en décembre 2015, premier pas d’un long et lent processus parlementaire qui a conduit à la modification de la proposition initiale.

De nombreuses auditions ont été menées par la commission Lutte contre le terrorisme de la Chambre. Policiers, magistrats instructeurs et représentants du ministère public ont tous plaidé pour un allongement de ce délai dans lequel une personne peut être privée de liberté sans ordonnance motivée d’un juge d’instruction.

La Belgique est l’un des derniers pays à conserver le délai de 24 heures alors que les enquêtes judiciaires sont de plus en plus complexes, la criminalité s’internationalise et la jurisprudence Salduz impose la présence d’un avocat lors de la première audition. Si un consensus peut être réuni sur une extension à 48 heures, les avis divergent à propos d’une exception à 72 heures pour le terrorisme. La mesure est soutenue par le collège des procureurs généraux. Les juges d’instruction estiment en revanche qu’il vaut mieux s’en tenir à 48 heures. Ils redoutent notamment que les policiers ne prennent trop de temps avant de les solliciter. Le procureur fédéral, Frédéric Van Leeuw, s’est montré lui aussi circonspect, jugeant qu’il fallait se méfier des lois d’exception.

Des concertations ont eu lieu au début de 2016 et le dossier a ensuite plongé dans le sommeil. Il aura fallu attendre plusieurs mois avant que le texte MR, N-VA, CD&V et Open Vld ne soit remanié par un amendement du cdH. Le délai de garde à vue quelle que soit l’infraction est porté désormais à 48 heures et une seule prolongation de 24 heures est possible moyennant une ordonnance du juge d’instruction pour des infractions terroristes.

A ce jour, le texte ne dispose pas sur le papier d’une majorité suffisante: 96 voix, soit celles du MR, de la N-VA, du CD&V, de l’Open Vld, du cdH auxquelles se joindront le Vlaams Belang et le PP, alors qu’une majorité des deux tiers -en théorie 100- est requise pour revoir la Constitution. Le soutien éventuel des députés indépendants Vuye et Wouters porterait le nombre à 98 mais il ne semble pas à l’ordre du jour. Il faudra donc tenir compte des absences ou d’éventuelles abstentions, et ce d’autant plus qu’un quorum de présence de deux tiers doit être réuni.

Dans les rangs des autres partis d’opposition, les ralliements de dernière minute semblent peu probables. Certains goûtent peu l’obstination de la majorité à conserver l’exception à 72 heures alors qu’un consensus plus large est possible, sans l’extrême-droite, sur un délai général de 48 heures, sans exception terroriste. Et, dans la majorité, tout le monde ne paraît pas ravi par ce vote hasardeux alors qu’il s’agit d’une révision de la Constitution.

Le soutien de l’extrême-droite pourrait donc constituer l’un des points de crispation du débat. Même s’il n’y a pas eu de négociation, il n’est pas d’usage de se lancer dans un vote en sachant que ce soutien annoncé sera déterminant. Interrogé dans “Het Laatste Nieuws”, le premier ministre Charles Michel s’est défendu de chercher ce ralliement -“je ne négocie pas avec le Vlaams Belang”, dit-il- et en a appelé au “bon sens” des partis démocratiques. A ses yeux, ce serait un “scandale” s’ils ne montraient pas leur “courage” en soutenant la proposition.

Jeudi passé, le vote a été reporté en raison de l’absence du ministre de la Justice. Mardi, certains faisaient remarquer que le premier ministre partait cette semaine au Canada.

(Belga)