Wim Wenders à Venise pour faire se parler les hommes et les femmes

Wim Wenders a fait jeudi son grand retour à la Mostra de Venise avec “Les beaux jours d’Aranjuez”, un film sur l’éternelle difficulté qu’ont les hommes et les femmes à se parler. “On pourrait penser que c’est la chose la plus simple, un homme et une femme qui se parlent. Mais c’est devenu rare”, explique le réalisateur allemand dans un entretien en français avec l’AFP. “Quand on veut vraiment savoir comment tu penses, qui tu es, on se rend compte que les femmes et les hommes pensent différemment, ils se rappellent différemment les choses”, explique-t-il encore, résumant ainsi l’argument de son film. Wim Wenders, qui a obtenu son premier prix à Venise il y a 44 ans à l’âge de 27 ans avec le film “L’angoisse du gardien de but au moment du penalty”, n’avait plus présenté de film à la Mostra depuis 12 ans. Mais il avait présidé le jury en 2008.

– L’ami Peter Handke –
Pour ce retour, le réalisateur allemand a choisi une nouvelle fois une oeuvre de son ami, l’écrivain autrichien Peter Handke, avec qui il a déjà travaillé à plusieurs reprises. “Ca me surprend d’être ici à nouveau à Venise avec un film réalisé avec mon vieil ami. Je suis venu jeune, avec mon premier long métrage. C’était la première fois que je participais à un festival, j’avais là aussi travaillé avec Handke et j’avais gagné le prix de la critique, le premier de mon existence”, se souvient le cinéaste.

Sa relation avec Handke est à la base d’une partie de son cinéma, fondée sur des silences ou des ellipses de narration. “Il s’agit d’une amitié vraie et honnête. Pour continuer à être amis, nous avons dû rester loin l’un de l’autre, ne pas nous voir tout le temps”, ajoute-t-il, semblant livrer ainsi l’une des clés de la difficile alchimie entre les hommes et les femmes, qu’il s’efforce de comprendre dans son film. “L’imagination et la mémoire d’une femme fonctionnent différemment de celles d’un homme”, explique encore le cinéaste qui invite dans son film en français ses acteurs Reda Kateb et Sophie Semin à réfléchir au sens de leur vie. Dans cette vision presque post-féministe, la femme explique comment elle a vécu sa sexualité, son éveil, ses batailles et reconnaît en avoir parfois usé pour se venger.

“Le film parle des années 1960, 1970, du passé de ces deux personnages. Mais la notion de ce qu’est le sexe et de ce qu’est un homme a pas mal changé pour les femmes depuis 30-40 ans”, affirme le réalisateur. Pour mieux entrer dans cette intimité, hors du quotidien, le réalisateur allemand a choisi un paysage idyllique de la région parisienne, un jardin d’été, “un paradis”. D’où le recours à la technique en 3D, qu’il qualifie de “poétique”, pour permettre au public d’y entrer plus facilement. “Le public peut être là à l’intérieur (…) comme à une fenêtre sur le monde”, explique-t-il.

Le dialogue entre ces deux personnages anonymes, n’est troublé que par la musique d’un vieux jukebox et le chanteur Nick Cave, déjà présent dans d’autres films de Wenders. “La musique a été ma grande inspiratrice. Je la ressens toujours comme le plus grand des cadeaux. Beaucoup de mon travail est inspiré par la musique”, explique encore le réalisateur de “Buena Vista Social Club”. Et dans ce film, “toute la musique qui sort du jukebox raconte la vie de cette femme. C’est un commentaire, un autre dialogue, c’est le coeur du film”, assure-t-il.