Visa à une famille syrienne – L'avocat général de la CJUE en désaccord avec le raisonnement de Theo Francken

“Les États membres doivent délivrer un visa humanitaire lorsqu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’un refus exposera des personnes en quête de protection internationale à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants”, indique mardi l’avocat général Mengozzi de la Cour de Justice de l’UE (CJUE), en réponse à une question préjudicielle du Conseil du contentieux des étrangers (CCE) dans l’affaire du visa humanitaire.
“L’existence ou non d’attaches entre la personne concernée et l’État membre sollicité est sans pertinence”, estime encore l’avocat général. Un bras-de-fer met aux prises depuis plusieurs mois le secrétaire d’État fédéral à l’Asile et la Migration, Theo Francken, et une famille belge prête à accueillir une famille syrienne de quatre personnes habitant à Alep. Le père a demandé un visa humanitaire via l’ambassade belge à Beyrouth (Liban) afin de venir déposer une demande d’asile en Belgique.

Le secrétaire d’État refuse d’octroyer ce visa, malgré des décisions du Conseil du contentieux des étrangers (CCE) et de plusieurs instances judiciaires – assorties d’astreinte -, au motif qu’une telle décision ressortit à sa compétence discrétionnaire de secrétaire d’État.

La question préjudicielle posée par le CCE concerne un dossier similaire à celui de la famille syrienne. Elle porte sur l’interprétation du règlement établissant un code communautaire des visas et sur la portée de la notion “d’obligations internationales” que les pays doivent honorer.

Sur la question de savoir si un État membre est tenu de délivrer un visa humanitaire, en présence d’une situation où il existe un risque avéré de violation, notamment, de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux, l’avocat général Paolo Mengozzi répond par l’affirmative et ce, indépendamment de l’existence ou non d’attaches entre la personne et l’État membre sollicité. L’avocat général s’oppose à une interprétation du code des visas selon laquelle celui-ci ne confère aux États membres qu’une simple habilitation à délivrer de tels visas. Sa position se fonde tant sur le libellé et la structure des dispositions du code des visas que sur la nécessité pour les États membres, dans l’exercice de leur marge d’appréciation, de respecter les droits garantis par la Charte lorsqu’ils appliquent ces dispositions.

Pour l’avocat général, il est indéniable que les requérants étaient exposés en Syrie, à tout le moins, à des risques réels de traitements inhumains d’une extrême gravité. “Au vu, notamment, des informations disponibles sur la situation en Syrie, l’État belge ne pouvait pas conclure qu’il était exonéré de satisfaire à son obligation positive en vertu de l’article 4 de la Charte”, souligne-t-il encore. L’avis rendu ce mardi ne lie pas la Cour, mais celle-ci suit souvent son avocat général.