Un poisson qui a l'oeil : il reconnaît les visages

Pas si bête: un poisson exotique a démontré son talent pour reconnaître les visages, en dépit de son petit cerveau, une première, ont annoncé des chercheurs. L’auteur de cet exploit ? Le Toxotes chatareus ou poisson-archer, déjà réputé pour les jets d’eau puissants qu’il crache sur ses proies hors de l’eau.
“C’est la première fois que l’on démontre la capacité d’un poisson à reconnaître des visages humains”, souligne l’Université d’Oxford, qui a participé à l’étude publiée mardi dans la revue Scientific Reports (Nature).
De quoi regarder d’un autre oeil ce poisson tropical au corps rayé de bandes noires que l’on peut élever en aquarium.
“Je pense que le grand public serait étonné de savoir combien ces poissons sont intelligents”, a déclaré à l’AFP Caitlin Newport, du département de zoologie de cette université.
“Etre capable de faire la distinction entre un grand nombre de visages est une tâche étonnamment difficile”, ajoute-t-elle.
De ce fait, les scientifiques ont longtemps considéré que cette tâche ne pouvait être accomplie que par des animaux possédant un néocortex, la partie la plus élaborée, la plus étendue et la plus récente du cerveau. Elle est notamment responsable du traitement de l’information sensorielle.
Présent chez les mammifères, le néocortex est particulièrement développé chez les primates. Chez l’homme, il représente 80% du poids du cerveau.
Les chercheurs de l’Université d’Oxford et ceux de l’Université de Queensland (Australie) ont voulu tester les capacités du poisson, qui ne possède pas de néocortex.
Les scientifiques ont choisi le poisson-archer, qui vit dans les mangroves en Asie et possède une très grande acuité visuelle. Il crache sur les insectes qui sont perchés sur des feuilles ou des tiges, avec un jet très précis qui déstabilise ses proies et les fait tomber dans sa bouche grand ouverte.
Les scientifiques ont entraîné un petit échantillon de poissons-archers à l’aide d’un écran d’ordinateur disposé au dessus de leur aquarium.
Le poisson s’est vu présenter deux visages et a appris à tirer son jet sur l’un d’eux, remportant au passage une récompense.
On lui a ensuite montré le visage connu et une série de nouvelles faces humaines, assez peu différenciées. Le poisson a prouvé qu’il était capable de cracher de façon répétée sur le visage qu’il avait appris à reconnaître.
L’expérience, réalisée avec 44 visages, a marché huit fois sur dix.
Dans une seconde expérience, les poissons devaient travailler sur 18 visages en noir et blanc. Là encore leur taux de réussite a été supérieur à 80%.
“Nous avons été agréablement surpris par la vitesse d’apprentissage des poissons et par le degré élevé de leur exactitude”, a relevé Caitlin Newport.
“Il est possible que d’autres espèces de poissons qui utilisent leur vision pour leur survie soient également capables de reconnaître des visages”, a-t-elle estimé. Mais il est “hautement improbable” que cette capacité soit partagée par toutes les espèces de poissons, dit elle.
“Le fait que le poisson-archer puisse apprendre cette tâche suggère donc qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un cerveau complexe pour reconnaître des visages”, souligne Caitlin Newport.
Il a déjà été montré que des oiseaux pouvaient reconnaître des visages mais ils possèdent des structures qui peuvent s’apparenter à un néocortex.
On sait aussi que les chiens, les chevaux, les vaches et les moutons par exemple sont capables de reconnaître des visages. Ils sont dotés d’un néocortex et ils ont de plus été domestiqués, ce qui laisse à penser que l’évolution les a conduit à apprendre à reconnaître celui qui leur apportait des soins.