Turquie: début du procès de journalistes d'un quotidien anti-Erdogan

Plusieurs journalistes de l’emblématique quotidien turc Cumhuriyet, farouche critique du président Recep Tayyip Erdogan, sont jugés à partir de lundi à Istanbul, un procès qui cristallise les inquiétudes liées à la liberté de la presse en Turquie. Pour les défenseurs des droits de l’Homme, cette affaire est emblématique de l’érosion des libertés depuis le putsch manqué du 15 juillet 2016, suivi de purges massives qui ont submergé les milieux critiques, des élus prokurdes aux médias, en passant par des ONG.
Au total, 17 journalistes, dirigeants et autres collaborateurs actuels ou passés de Cumhuriyet, un quotidien fondé en 1924, sont accusés notamment d’avoir aidé diverses “organisations terroristes armées”. L’acte d’accusation cite les séparatistes kurdes du PKK, le d’extrême gauche DHKP-C et le mouvement du prédicateur exilé aux Etats-Unis Fethullah Gülen. Cumhuriyet est un journal qui mène une “opération de perception” visant à faire de la Turquie et de M. Erdogan des “cibles”, selon l’acte d’accusation, qui évoque une “guerre asymétrique”. Les journalistes risquent jusqu’à 43 ans de prison.
Mais Cumhuriyet (“République”), l’un des plus anciens journaux turcs, qui s’est forgé une solide réputation à force de scoops embarrassants pour le pouvoir, dénonce un procès politique visant à abattre l’un des derniers organes de presse indépendants du pays.
Certains des plus grands noms du journalisme turc entreront lundi au tribunal encadré par deux gendarmes, comme le chroniqueur francophone Kadri Gürsel, le journaliste d’investigation Ahmet Sik ou encore le féroce caricaturiste Musa Kart. C’est le cas, également, du patron du journal, Akin Atalay, et du rédacteur en chef, Murat Sabuncu.
Parmi les accusés, 11 sont en détention préventive, la plupart depuis près de neuf mois.
Autre accusé de renom, Can Dündar, ancien rédacteur en chef de Cumhuriyet qui s’était attiré les foudres de M. Erdogan après avoir publié en 2014 un article affirmant qu’Ankara livrait des armes à des islamistes en Syrie. Exilé en Allemagne, il est jugé par contumace.