Michèle Morgan, "les plus beaux yeux du cinéma" français se sont fermés

La comédienne Michèle Morgan, l’une des plus grandes actrices françaises du XXe siècle, dont les yeux bleu vert magnétique et la séduction un peu distante ont fait rêver des générations, est morte mardi à 96 ans. “Les plus beaux yeux du cinéma se sont fermés définitivement ce matin”, a annoncé sa famille.

Véritable star, Michèle Morgan a été la toute première actrice à remporter le Grand prix d’interprétation féminine au festival de Cannes en 1946, pour sa composition d’une jeune femme aveugle dans “La Symphonie Pastorale” de Jean Delannoy. Alors au sommet de sa gloire, elle incarnait la femme française distinguée, le contraire d’une scandaleuse. Elle fut l’une des très grandes vedettes du cinéma en France entre 1940 et 1960, avant de s’éloigner lentement des plateaux de tournage. Sa carrière compte tout de même quelque 70 films dont certains comme “Remorques” avec Jean Gabin (1939) et “Les grandes manoeuvres” avec Gérard Philippe (1955) sont devenus des classiques.

Née le 29 février 1920, à Neuilly-sur-Seine, près de Paris, elle voyait dans cette date n’existant que les années bissextiles un signe du destin : “ce privilège de vieillir quatre fois moins vite que les autres est le premier de la longue série de coups de chance que j’ai eus tout au long de mon existence”. Dès l’âge de 18 ans, elle acquiert la célébrité grâce au mythique “Quai des brumes” (1938). C’est dans ce film de Marcel Carné que Jean Gabin lui murmure : “T’as d’beaux yeux, tu sais…” et qu’elle lui répond : “Embrassez-moi”.

La mémoire collective garde d’elle sa classe, sa blondeur et, surtout, l’extraordinaire intensité de son regard clair. Elle en hérita le surnom, usé jusqu’à la corde, d'”actrice aux plus beaux yeux du monde”. “Ca m’agace un peu qu’on le répète trop”, disait-elle. Pourtant ses mémoires (1977) s’intitulent “Avec ces yeux-là”…

Elle “était bien plus qu’un regard, c’était une élégance, une grâce, une légende”, a jugé mardi le président François Hollande. “Icône élégante et magnifique du cinéma”, Michèle Morgan “emporte avec elle la splendeur d’une époque dont elle fut la reine”, a renchéri Brigitte Bardot.

– ‘Folles vieillissantes’ –
Pleine d’humour, Michèle Morgan souriait quand on l’appelait le “frigidaire ambulant” ou la “grande bourgeoise”. “Je n’ai jamais eu l’occasion de jouer les femmes sexy. Il faut croire que mon charme ne se trouvait pas dans mes fesses”, relevait-elle. “De cette image est venue ma difficulté à accepter des scénarios de folles vieillissantes qui sombrent dans l’alcool ou l’hystérie sous prétexte qu’elles n’ont plus l’âge de jouer les jeunes premières : il ne faut jamais casser l’image que les gens ont de vous”, ajoutait-elle.

Passionnée toute gamine par le cinéma, elle débute en 1937 dans “Gribouille” de Marc Allégret, choisissant alors un nom d’actrice qu'”on peut prononcer dans toutes les langues” (elle est née Simone Roussel). A Hollywood où elle poursuit sa carrière, elle manque de peu de tourner dans Casablanca mais épouse en cette année 1942 le comédien américain Bill Marshall dont elle a un fils, Mike (mort en 2005).

Elle tourne aux Etats-Unis quatre films – dont “Passage to Marseille” avec Humphrey Bogart – qui n’ajoutent pas grand-chose à sa gloire. Après le succès de “La symphonie pastorale”, elle règne sur un cinéma français, privé alors d’inventions et d’audace. Elle joue avec les jeunes premiers de l’époque : Jean Marais, Gérard Philippe et Henri Vidal, qu’elle épouse en secondes noces. Sa carrière connaît une éclipse quand déferle la Nouvelle Vague. On la voit néanmoins dans “Landru” de Claude Chabrol en 1963 et “Le chat et la souris” de Claude Lelouch en 1975.

Après le décès (pour abus de drogue) d’Henri Vidal, elle devient la compagne du metteur en scène Gérard Oury, mort en 2006. Elle monte pour la première fois sur les planches en 1978, joue au théâtre et dans de nombreux téléfilms. Michèle Morgan a consacré la dernière étape de sa vie à la peinture : “J’y trouve du calme. Dans le fond, j’ai toujours aimé être seule. Et je n’ai jamais été aussi heureuse qu’avec ma peinture”.