L'Éthiopien médaillé d'argent au marathon tacle le régime de son pays

Feyisa Lilesa, médaillé d’argent dimanche au marathon des Jeux olympiques de Rio, n’a pas caché sa désapprobation à l’égard du régime politique autoritaire en place dans son pays. “Tu ne dois ta liberté qu’à ton support affiché pour ce gouvernement”, a indiqué l’athlète, peu après avoir franchi la ligne d’arrivée en croisant ses mains et ses poignets au-dessus de sa tête, signe adopté par les manifestants dans son pays. “Je soutiens cette protestation”, a-t-il indiqué alors qu’on l’interrogeait sur son geste.
Lilesa envisage de protester à nouveau à l’occasion de la remise de sa médaille, qui devrait avoir lieu pendant la cérémonie de clôture des Jeux.
Une vague de protestations a débuté fin 2015 en Éthiopie et le gouvernement a répondu avec force. Le Front éthiopien populaire révolutionnaire et démocratique a régné sur le pays ces 25 dernières années et a encore remporté presque tous les sièges au Parlement lors des élections 2015, un scrutin qui a été dénoncé par l’opposition.
“Les forces de sécurité publiques ont fait un usage excessif et fatal de la force contre des manifestations essentiellement pacifistes qu’a connues la région Oromia”, affirmait dans un rapport publié en juin l’organisation Human Rights Watch.
L’ethnie Oromo est la plus importante en Éthiopie mais se dit politiquement marginalisée.
“Les gens normaux protestent aujourd’hui pour ce qui est bien, pour la paix, comme les démocrates”, a expliqué dans un anglais approximatif le marathonien. Le coureur, originaire d’Oromia, affirme que 1.000 personnes ont été tuées par l’armée ces derniers mois et prétend que des proches à lui sont en prison. Il envisage de ne pas retourner au pays après les Jeux et espère obtenir plus tard un visa pour rejoindre le Kenya ou les Etats-Unis. “Si je reviens en Éthiopie, ils me tueront peut-être. Sinon, ils me mettront en prison.”
Le Comité international olympique (CIO) prendra probablement ses distances avec de tels commentaires, l’expression de points de vue politiques n’étant pas autorisée aux Jeux. Théoriquement, le coureur pourrait même être disqualifié.