"Liste noire" d'artistes sud-coréens: inculpation de l'ex-ministre de la Culture

L’ancienne ministre sud-coréenne de la Culture a été inculpée mardi pour avoir établi une “liste noire” de près de 10.000 artistes critiques envers la présidente Park Geun-Hye désormais destituée, ont annoncé les enquêteurs. Cho Yoon-Sun, 50 ans, est accusée d’avoir compilé cette longue liste de réalisateurs, écrivains ou peintres afin de les priver de subventions publiques et les placer sous surveillance. Kim Ki-Choon, l’ex-directeur de cabinet de la présidente, a lui aussi été inculpé, soupçonné d’avoir été à l’initiative de la liste et d’avoir veillé à son application.

Les deux suspects, arrêtés le mois dernier, ont été inculpés d’abus de pouvoir et de coercition, a déclaré le porte-parole de l’équipe d’enquêteurs spéciaux qui planche sur le vaste scandale de corruption dans lequel Mme Park est engluée. “Ils ont abusé de leur pouvoir pour contraindre les autorités (….) à arrêter de donner des subventions aux artistes et aux organisations culturelles qui avaient des points de vue différents de ceux du gouvernement”, a déclaré à la presse Lee Kyu-Chul.

Deux anciens collaborateurs de la présidente ont également été inculpés. Les enquêteurs ont accusé Mme Park de complicité dans la création de la liste mais la présidente, destituée le 9 décembre par l’Assemblée nationale, dit n’avoir pas été au courant de son existence.

Le scandale de corruption qui secoue le pays depuis des mois est centré autour de l’amie de 40 ans de Mme Park, Choi Soon-Sil. Mme Choi est actuellement jugée pour avoir profité de ses relations avec Mme Park afin de soutirer des sommes astronomiques aux conglomérats sud-coréens, et pour se mêler des affaires de l’Etat. Mme Park est accusée de complicité avec son amie. La destitution de Mme Park doit encore être validée par la Cour constitutionnelle.

L’existence de cette “liste noire”, qui représente un Who’s who de la scène artistique sud-coréenne, a suscité beaucoup de ressentiment dans le pays. Elle ravive les souvenirs de la dictature militaire des années 1960 à 1980, quand le monde de la presse, des arts et des spectacles était soumis à une censure stricte.

Plusieurs des artistes visés avaient exprimé leur soutien aux partis de l’opposition ou critiqué le gouvernement de la présidente ou celui de son père, Park Chung-Hee, qui a dirigé le pays d’une main de fer de 1961 à 1979. Parmi les personnes ciblées, la romancière Han Kang, vainqueur en 2016 du Man Booker Prize, l’un des principaux prix littéraires pour les écrivains de langue anglaise, ou encore Park Chan-Wook, le réalisateur de “Old boy”, qui avait remporté le Grand Prix du festival de Cannes, en 2004.

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07 février 2017 - 09h00