Le vin sud-africain en quête de qualité, d'image et surtout de prix

Depuis vingt ans qu’il fait du vin, Ken Forrester s’est rarement plaint de son sort. “Nous n’avons jamais eu de mauvaise année”, dit-il, “nos affaires prospèrent”. Mais le producteur de Stellenbosch l’avoue, l’avenir de l’industrie viticole sud-africaine l’inquiète. L’an dernier, il a vendu près de 500.000 bouteilles. De quoi assurer largement ses fins de mois ? Pas si sûr. Car c’est là le cœur des difficultés de toute la filière sud-africaine: produire du vin ne paie pas, ou en tout cas pas assez. L’organisation qui regroupe les producteurs de la région du Cap, Vinpro, a résumé d’un chiffre l’ampleur du problème: quelque 40% de ses 3.200 membres perdent de l’argent, et 900 ont jeté l’éponge au cours des 10 dernières années. Le secteur viticole emploie environ 290.000 personnes et contribue pour 2,6 milliards d’euros au produit intérieur brut de l’Afrique du Sud. Avec 10,5 millions d’hectolitres en 2016, le pays est le 8e producteur mondial de vin.

Productrice de vin depuis plus de 300 ans, l’Afrique du Sud a subi de plein fouet l’embargo décrété contre ses produits dans les années 1980, au nom de la lutte contre l’apartheid. Et quand le marché s’est rouvert dans les années 1990, elle s’est empressée d’écouler ses stocks, quel qu’en soit le prix. Même si les vins sud-africains rivalisent aujourd’hui dans les classements internationaux avec les plus prestigieux bordeaux, l’étiquette de piquette continue à coller à leurs bouteilles. Pour tenter de soutenir les prix, l’industrie viticole sud-africaine s’efforce donc de redresser l’image de ses vins à l’étranger, où est exportée plus de la moitié de sa production.

Enseignant en économie de l’agriculture à l’université de Stellenbosch, Nick Vink considère que la viticulture sud-africaine souffre d’un problème structurel. “Du côté de l’offre, nous avons un problème chronique de sur-production”, diagnostique-t-il, “et du point de vue de la demande (…) nous n’avons pas le marché intérieur qui permettrait de faire monter les prix au niveau nécessaire”. Développer ce marché relève du défi, ajoute-t-il, car le plaisir du vin reste largement inconnu de la population noire, majoritaire.

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24 avril 2017 - 15h35