Le prince Philip, roc de la reine et gaffeur-roi

Aussi gaffeur et blagueur qu’Elizabeth II est réservée, le prince Philip fête vendredi ses 95 ans, un anniversaire quelque peu éclipsé par les 90 ans de son épouse-souveraine, qu’il seconde solidement, dans l’ombre, depuis plus d’un demi-siècle. De fait: c’est vendredi également qu’une fastueuse cérémonie est prévue en la cathédrale Saint Paul pour l’anniversaire de la souveraine, plus que jamais populaire auprès de ses sujets et qui a battu en septembre le record de longévité sur le trône détenu par sa trisaïeule Victoria. Philip avait lui-même battu en 2009 le record de longévité des princes consorts britanniques détenu par Charlotte, épouse de George III. A défaut d’honneurs en grande pompe, les canons tonneront à Londres pour fêter les 95 ans de Philip, prince d’Édimbourg, toujours actif bien qu’il ait déjà exprimé le désir de lever le pied, estimant avoir “accompli sa part”.

De souche allemande, Philip de Grèce et du Danemark est né à Corfou sur une table de cuisine le 10 juin 1921. A l’âge de 18 mois il est évacué dans un lit fait de cartons d’oranges à bord d’un navire britannique, avec ses parents et ses quatre soeurs aînées, alors que son oncle le roi de Grèce est déposé. Il connaît ensuite une enfance solitaire et agitée, entre la France, l’Angleterre et l’Allemagne. Sa mère, dépressive, est hospitalisée puis entre dans les ordres, tandis que son père part s’installer à Monaco. Ses soeurs se marient quant à elles à des Allemands, dont l’un est un dignitaire nazi. Recueilli par des parents, il suit une scolarité nomade, avant de rejoindre la Royal Navy et de prendre une part active dans la Seconde Guerre mondiale.

Il a 18 ans lorsqu’il rencontre pour la première fois la jeune Elizabeth, qui n’en a que 13 mais tombe sous le charme du bel officier. Leur union est d’abord vue d’un mauvais oeil par les parents de la jeune princesse: Philip est un prince étranger, sans le sou et peu policé. Mais “Lilibet” l’adore et le mariage se fait le 20 novembre 1947 en l’abbaye de Westminster. Le couple s’installe dans la foulée à Malte, où le prince Philip vient d’être muté. “Philip Mountbatten”, titre qu’il a pris à ses noces, est fait commandant et compte bien continuer à satisfaire ses ambitions.

La mort prématurée du roi George VI en 1952, qui propulse Elizabeth sur le trône, est pour lui un déchirement, selon ses proches. Il lui faut abandonner une carrière navale chérie et devenir à jamais le second de sa femme, la reine. “Je ne sais pas combien de temps il va tenir, il est comme mis en bouteille”, dira l’ex-roi de Yougoslavie. Il se résigne à marcher deux pas derrière son épouse mais sans pouvoir jamais entièrement cacher sa frustration.

Ainsi, le jour où Churchill a conseillé que la famille prenne le nom de Windsor au lieu de celui de Mountbatten, Philip aurait hurlé: “Je ne suis qu’une foutue amibe, ici!”. Mais cela n’ira pas au détriment de sa loyauté à la reine. “Mon premier, second et ultime emploi est de ne jamais laisser tomber la reine”, a-t-il dit.

Son tempérament fougueux et complètement opposé au “politiquement correct” lui font commettre des gaffes, parfois aux relents xénophobes. A une Kenyane qui lui offre un cadeau en 1984, il demande: “vous êtes une femme, n’est-ce pas?”. A un garçon de 13 ans qui lui confie son rêve de devenir astronaute, en 2001: “Tu es trop gros”. Un langage peu protocolaire dont la reine ne lui tient pas rigueur, pas plus que ses sujets qui trouvent qu’il apporte un peu de légèreté à la monarchie et lui savent gré de sa constance auprès d’Elizabeth II. Le meilleur hommage rendu à Philip vient d’ailleurs de son épouse elle-même, qui a déclaré en 2011: “C’est mon roc. Il a tout simplement été ma force et mon soutien”.

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09 juin 2016 - 12h10