La retraite peut-être, mais Paul Simon reste au sommet de son art

Le chanteur américain Paul Simon, qui vient d’annoncer sa possible retraite, a pourtant fait la preuve jeudi d’une maîtrise intacte à l’occasion d’un des deux derniers concerts de sa tournée américaine, à New York. Ces deux représentations jeudi et vendredi au Forest Hills Stadium, dans le district du Queens, ont pris une résonance particulière après l’interview parue mercredi dans le New York Times. Âgé de 74 ans, Paul Simon y indique qu’il envisage sérieusement de “lâcher prise” et de raccrocher. Ironie du sort, ces deux concerts, qui pourraient donc être les derniers de sa carrière aux Etats-Unis (une tournée européenne suivra jusqu’à fin novembre), se déroulent à quelques centaines de mètres du quartier où il a grandi.

Dans ce qui fut sa maison, l’un de ces bâtiments de briques à un étage quasiment tous identiques d’un rue arborée, Inge Newdorf, l’actuelle propriétaire, se souvient d’avoir croisé, un jour de 1974, un “tout petit homme” (il fait 1,60 m). Elle était venue visiter la maison, qui était à vendre, et Paul Simon était chez ses parents ce jour-là. “Mes enfants étaient tout excités. Je leur ai demandé: qui est-ce?”, a-t-elle raconté jeudi à l’AFP. “Sur le mur de l’escalier, sa mère avait mis tous ses disques d’or. Je lui ai dit: vous pouvez les laisser”, s’amuse-t-elle.

Jeudi, Paul Simon n’a pas fait dans le pathos ou la nostalgie. Il n’a pas évoqué une seule fois cette retraite qui, à le voir sur scène, paraît si improbable.
Il a enchaîné avec fougue 25 titres, dont 8 lors de deux rappels, de sa voix quasiment intacte, au point qu’en fermant les yeux, on pouvait se projeter au moins 30 ans en arrière. “Je n’arrive pas à croire à quel point sa voix est encore bonne”, s’émerveillait, après le concert, Caitlyn Brazill, spectatrice enthousiaste. “Slip Slidin’ Away”, “You Can Call me Al”, “The Obvious Child”, “Still Crazy After all these Years”, ce petit bout d’homme a distillé les classiques, mais aussi joué plusieurs morceaux de son nouvel album, “Stranger to Stranger”, sorti début juin. Il n’a que très peu pioché dans le répertoire de son premier groupe, Simon and Garfunkel, avec un instrumental de “El Condor Pasa” et une version de “The Boxer”.

Menant littéralement au doigt et à l’oeil ses neuf musiciens, il a démontré qu’il n’avait rien abandonné de son exigence, malgré le poids des années. Le son du groupe était très marqué par le blues, sans délaisser les influences étrangères, notamment brésilienne et d’Afrique de l’ouest, que Paul Simon a intégré à sa musique depuis longtemps déjà. A l’instar de Peter Gabriel ou Sting, il est l’un des musiciens occidentaux à avoir donné corps à la “world music” et valorisé le mélange des musiques du monde entier.

Face à lui, un public conquis, parfaitement conscient de l’importance du moment et prêt à réagir au moindre signe. A la moindre allusion à New York, qu’il s’agisse de la statue de la Liberté (“American Tune”) ou du quartier tout proche de Corona (“Me and Julio Down by the Schoolyard”), une clameur s’est élevée des gradins. Paul Simon, lui, n’a pas boudé son plaisir et s’est lassé aller à quelques pas de danse ou s’est montré régulièrement facétieux pour amuser les spectateurs. Il a même fini par tomber la veste pour interpréter, lors des rappels, le premier succès d’Elvis Presley “That’s All Right” avec des accents de crooner. “Merci, mes amis”, a-t-il lancé, puis s’est retiré, avant une dernière représentation, vendredi. Ses fans, eux, respectent son choix, mais l’accompagneront jusqu’au bout. A l’âge où beaucoup s’appuient sur leur gloire passée, “il invente en permanence des choses nouvelles sur le plan musical et sur celui des textes, donc s’il continue, je l’écouterai”, assure Diane Simon, qui porte le même nom que Paul mais n’a pas de lien de parenté avec lui.