La grâce fragile de Judith Chemla s'impose à l'écran et sur la scène

Intense: c’est le mot qui revient le plus souvent à propos de Judith Chemla, bientôt à l’affiche au cinéma dans “Une vie” de Stéphane Brizé et actuellement sur scène dans “Traviata”, dans le rôle bouleversant de Violetta, la “Dame aux camélias”. Visage menu mangé par de grands yeux bleus, la comédienne reçoit dans le bistrot en bas de chez elle à Belleville, entre deux représentations de “Traviata”. La voix est voilée, un début de rhume que lui a “refilé” son fils de 6 ans (le père est le metteur en scène James Thierrée, dont elle est séparée).

Mais les réponses fusent sans hésitation, avec une franchise désarmante. Judith Chemla ne “joue” pas: elle est. Le réalisateur Stéphane Brizé dit d’elle que “c’est une personne exceptionnelle avant d’être une immense actrice”, et qu’il filme “son rapport au monde”.

“Stéphane nous disait: si je sens le moindre jeu, ça ne va pas. Il attendait de moi que je sois ce que j’étais, tout simplement”, confie-t-elle.

La jeune femme filiforme à la peau diaphane et au sourire en coin a cette capacité à être immédiatement dans le rôle. Elle est Jeanne, jeune fille naïve tout juste sortie du couvent que son mariage va laminer dans “Une vie” d’après Maupassant (à l’écran le 23 novembre), comme elle est Violetta, la courtisane qui brûle la vie par les deux bouts.

“Il y a une filiation entre Jeanne et Violetta, c’est comme si Violetta était la petite fille de Jeanne. Marie Duplessis (qui a inspiré le personnage de la Dame aux camélias d’Alexandre Dumas puis la Violetta de Verdi) est issue de la petite noblesse déchue, ruinée, comme Jeanne. Mais Violetta prend son destin en main, tandis que Jeanne subit. Je me sens plus proche de Violetta, elle sait qu’elle va mourir et elle se jette dans les choses.”

Judith Chemla ne fait pas les choses à moitié: il fallait y croire pour monter avec 8 musiciens et 5 chanteurs l’opéra bouillonnant de Verdi sur la petite scène des Bouffes du Nord (jusqu’au 15 octobre puis en tournée). Deux ans de travail, avec Benjamin Lazar et Florent Hubert, déjà présent sur son projet musical précédent “Le Crocodile trompeur/Didon et Enée”.

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29 septembre 2016 - 17h35