Kiarostami: "Une oeuvre qui fera date dans le cinéma", selon Jean-Claude Carrière

L’oeuvre du réalisateur iranien Abbas Kiarostami, décédé lundi, “fera date” pour son ami le scénariste et écrivain Jean-Claude Carrière, pour qui Kiarostami “a produit un cinéma à la fois personnel et nouveau”, “très suivi” par les réalisateurs en Iran. QUESTION: Quel a été le principal apport d’Abbas Kiarostami au cinéma?

REPONSE: “Les premiers films qui ont attiré notre attention sont “Le Pain et la rue” (1970), “Où est la maison de mon ami?” (1987) et “Close up” (1990). J’ai vu ces trois films presque en même temps avec quelque amis, dont Jean-Luc Godard. Nous étions tous très surpris par ce cinéaste qui arrivait d’Iran et qui parvenait à nous révéler des choses sur le cinéma qui n’avaient jamais été dites auparavant. C’est comme si un cinéma d’auteur nouveau apparaissait. Il a par la suite été très suivi en Iran qui est devenu un grand pays de cinéma.

Parmi ses films les plus importants, il y a bien sûr “Le Goût de la ceriseé, “Au travers des oliviers”, mais il faudrait tous les citer. Quand ses films son apparus dans les années 1980, nous avons été nombreux à nous dire: +Voilà un auteur de films qui vient à notre secours+, comme s’il était venu nous dire que le cinéma d’auteur n’était pas mort. Il arrivait avec une oeuvre qui fera date dans l’histoire du cinéma.”

Q: Quelle est la singularité de son oeuvre, un mariage entre réel et poésie?

R: “Il y a dans ses films une dimension très personnelle, un regard sur son pays, sur les pays où il a tourné et aussi sur le monde.

Ce n’est pas un documentariste, toutes ses histoires sont inventées, mais il a toujours tourné en décors naturels. Il nous a, en particulier, beaucoup appris sur la façon de tourner dans une voiture, comme dans “Le Goût de la cerise”.

Q: Au-delà du cinéma, c’était un artiste total?

R: “Oui. Il ne faut pas oublier aussi que c’était un remarquable photographe, un bon poète. Avec mon épouse Nahal Tajadod, qui est Iranienne, nous avons traduit certains de ses textes. C’était un artiste complet mais qui ne se définissait pas comme un artiste. Il avait une très grande dignité, une regard à la fois chaleureux et très intérieur sur les choses.

J’aimais beaucoup chez lui son attitude ferme, intangible en ce qui concerne ses convictions politiques et en même temps son amour profond pour son pays.

Ce qui était formidable avec lui, c’était sa volonté de ne pas quitter l’Iran alors que ses films n’y sont plus projetés depuis vingt ans.