Des dizaines de milliers de Polonais dans la rue contre la réforme de la Cour suprême

Des dizaines de milliers de Polonais ont manifesté jeudi soir dans tout le pays après que les députés ont voté une réforme controversée de la Cour suprême, en dépit des mises en garde de l’UE, inquiète pour l’indépendance de la justice au point de brandir la menace de sanctions. Devant le palais présidentiel à Varsovie, entre 14.000 manifestants, selon la police, et 50.000, selon la mairie, ont demandé au président Andrzej Duda d’opposer son veto à cette réforme, ainsi qu’à deux autres réformes qui accroissent le contrôle du pouvoir exécutif sur le système judiciaire. Des manifestations semblables ont eu lieu dans une centaine de villes et localités polonaises.
Plus tôt dans la journée, le chef de la Plateforme civique (centriste, opposition) Grzegorz Schetyna a dénoncé un “coup d’Etat”, alors que Ryszard Petru, président du parti Nowoczesna (libéral, opposition) a évoqué “une mauvaise journée pour la démocratie polonaise”. L’opposition voit dans les réformes de la justice un affaiblissement de la séparation des pouvoirs et une tentative de faciliter aux conservateurs le contrôle de l’ensemble de la vie sociale.
Le PiS, majoritaire dans les deux chambres et toujours nettement en tête des sondages d’opinion, présente les réformes comme indispensables pour rationaliser le système judiciaire et combattre la corruption. Il considère la résistance à ces initiatives comme la défense des privilèges et de l’impunité d’une “caste” des juges. Dans la soirée, la Première ministre polonaise Beata Szydlo a fait un discours à la télévision publique. “Nous ne nous laisserons pas intimider par des défenseurs des élites, qu’ils soient polonais ou étrangers”, a-t-elle dit.
La chambre basse a voté jeudi la proposition de loi par 235 voix pour, 192 contre et 23 abstentions. La loi doit être encore approuvée par le Sénat, probablement vendredi, et signée par le président pour entrer en vigueur, mais leur accord semble acquis.
Mercredi, la Commission avait sommé Varsovie de “mettre en suspens” ses réformes, agitant la menace de sanctions. “Nous sommes désormais très proches de déclencher l’article 7 du traité de l’UE”, synonyme de possibles sanctions comme la suspension des droits de vote de la Pologne au sein de l’UE, avait averti le vice-président de la Commission, Frans Timmermans.
La Hongrie s’est cependant rangée du côté de Varsovie. “Nous soutenons la Pologne et demandons que la Commission européenne se limite à ses propres compétences et arrête d’agir comme un organe politique”, a déclaré jeudi Peter Szijjarto, ministre hongrois des Affaires étrangères, cité par l’agence MTI.