Décès à 83 ans du pianiste canadien Paul Bley, pionnier du free jazz

Le pianiste canadien Paul Bley, l’un des pères du free jazz ayant donné ses lettres de noblesse avant l’heure aux synthétiseurs, est décédé dimanche soir à son domicile en Floride, a annoncé sa maison de disque. Né à Montréal le 10 novembre 1932, Paul Bley avait débuté très jeune, dès les années 40, une brillante carrière qui s’est étendue sur huit décennies.
A 17 ans seulement, le virtuose remplace le légendaire Oscar Peterson, à l’Alberta Lounge, une salle de spectacle ayant alors pignon sur rue dans le centre-ville de la métropole québécoise.

Débarqué aux Etats-Unis alors qu’il n’avait pas vingt ans, après avoir accompagné le saxophoniste Charlie Parker à Montréal, il se lie avec des légendes en devenir dont il influencera le parcours. Avec le contrebassiste Charles Mingus et le batteur Art Blakey, le pianiste canadien signe son premier opus “Introducing Paul Bley”, en 1953.

Epoux de 1957 à 1964 d’une autre pianiste de renom, Carla Bley, il s’installe à Los Angeles et engage le saxophoniste Ornette Coleman, plus tard consacré pour son jeu libre et éclaté, et le trompettiste Don Cherry, un autre révolutionnaire du jazz. A l’époque, Paul Bley se détache d’un jazz plus formel pour adhérer et surtout nourrir le mouvement free. Il forme également un trio avec le contrebassiste Charlie Haden et le batteur Billy Higgins.

Les musiciens sévissent alors au club Hillcrest de Los Angeles, sorte de laboratoire de Bley, dont l’étoile ne filera jamais au panthéon de la gloire au contraire des Coleman, Haiden, Higgins et Cherry. Et pourtant, “c’est à Monsieur Paul que tous les musiciens nommés et à juste titre admirés doivent leur envol respectif. Ils ne sont pas les seuls”, notait mercredi le quotidien montréalais Le Devoir dans un rare hommage au Canada à cette figure du cru qui a passé l’essentiel de sa carrière à l’étranger.

Paul Bley imprime sa science de l’improvisation, son art du silence, la subtilité de son jeu dépouillé sur la cire des plus grands: Sonny Rollins, Coleman Hawkins, Chet Baker, Jimmy Giuffre, Gary Peacock, Dave Holland… Mais aussi à la tête de nombreux trios, un art qu’il maîtrisait parfaitement, à l’égal de Bill Evans.

En 1960, le chef d’orchestre George Russell les réunit lors de la session “Jazz in the Space Age”, proposant une nouvelle esthétique ouverte sur la modalité.
A la fin de la décennie, Paul Bley est l’un des premiers pianistes jazz à aborder la musique électronique, portant l’audace jusqu’à jouer, en décembre en 1969, du mini-orgue électronique Moog dans la salle accueillant l’orchestre philharmonique de New York, une première. “Les synthétiseurs offrent des possibilités illimitées: plus hautes et graves que les capacités de l’oreille humaine”, résumait-il d’ailleurs l’an dernier dans un entretien avec le blogueur brésilien de jazz Astronauta Pinguim.

Mais ces instruments ont aussi leurs travers, avait-il souligné, racontant n’avoir jamais plus joué au Village Vanguard de New York, un des clubs de jazz les plus célèbres, après avoir fait piaffé d’impatience les patrons alors qu’il prenait le temps de brancher ses synthés.

Depuis les années 70, Paul Bley s’est imposé comme l’un des musiciens fétiches du label ECM Records, signant une vingtaine d’albums, dont “Not Two, Not One”, en trio avec le contrebassiste Gary Peacock et le batteur Paul Motian, en 1999. Le musicien avait publié en 1999 son autobiographie: “Paul Bley and the transformation of jazz”. En 2008, il est nommé à l’ordre du Canada, une des distinctions les plus prestigieuses du pays, et signe un dernier album studio intitulé “About Time”.

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07 janvier 2016 - 07h38