Cannes: Vincent Lindon incarne Rodin à l'écran, "un homme en colère"

A l’écran, il a été vigile et maître-nageur. Deux ans après le triomphe de “La loi du marché” et son prix d’interprétation à Cannes, Vincent Lindon s’est glissé dans la peau d’un artiste, le sculpteur Auguste Rodin, un “homme en colère” comme il les aime. Rodin (1840-1917) “est bafoué, humilié, pas reconnu jusqu’à quarante ans, il a une revanche à prendre. C’est un homme qui en bave même s’il va devenir un artiste incroyablement en lumière”, estime l’acteur de 57 ans dans un entretien à l’AFP.
Le nouveau film de Jacques Doillon, de retour mercredi en compétition à Cannes, 33 ans après “La pirate”, montre un Rodin à un tournant de sa carrière, qui vient de recevoir sa première commande de l’Etat, “la Porte de l’Enfer”. Il évoque aussi la liaison tumultueuse du sculpteur avec son élève Camille Claudel, jouée par la pétillante Izia Higelin.
Partagé entre son envie de reconnaissance et son refus d’entrer dans le moule, Rodin est “un homme incroyablement moderne, en prise avec son époque voire en avance”, estime l’acteur, qui a souvent joué des hommes de son époque.
“J’ai tenté de l’interpréter exactement de la même manière que le personnage de +La loi du marché+ ou de +Welcome+, des gens qui sont citoyens et politiques”, poursuit-il, évoquant deux de ses rôles emblématiques.
S’il a adopté la barbe du sculpteur, mort il y a 100 ans, s’il s’est documenté et a fréquenté les musées, l’acteur n’a en revanche pas voulu revoir “Camille Claudel” de Bruno Nuytten, avec Isabelle Adjani et Gérard Depardieu.
“J’ai eu envie d’être un Rodin à ma manière, à la manière de Jacques Doillon”, explique celui qui a appris à sculpter pour se glisser dans le rôle. Car, “impossible d’aborder Rodin sans passer par le geste!” Une expérience “sensuelle” et “enivrante” qui s’apparente à une découverte pour lui.
“Ca m’a calmé et en me calmant, ça a calmé mon jeu. Ca se ressent probablement dans l’interprétation de Rodin, qui est moins énergique, beaucoup plus ancré dans le sol. Comme un bloc”, analyse l’acteur.

Filmer le sculpteur du “Penseur” et du “Baiser” dans son atelier, travaillant la matière et inventant la sculpture moderne, était une des ambitions de Jacques Doillon, initialement contacté pour réaliser un documentaire, à l’occasion du centenaire de sa mort.
Rapidement, le goût de raconter des histoires et d’écrire des dialogues a pris le dessus, d’autant plus que “Rodin est célèbre mais pas connu”, souligne le réalisateur, ce qui se traduisait pour lui par une grande liberté.
Face à Vincent Lindon, une évidence auquel il a immédiatement pensé, on trouve la chanteuse Izia Higelin, ainsi que Séverine Caneele (prix d’interprétation pour son rôle dans “L’Humanité” de Bruno Dumont en 1999) dans le rôle de Rose, la compagne de Rodin.
“Qu’est-ce que c’est vivant Rodin à côté de ses petits camarades! C’est rudement sensuel, il y a tellement de vie”, s’enthousiasme le réalisateur dont le précédent film “Mes séances de lutte” (2013), avec Sara Forestier, mettait en scène un long corps-à-corps entre un homme et une femme.
Pour traduire la sensualité du travail de Rodin, Doillon a tourné avec deux caméras des plans séquences, ce qui apporte une grande fluidité à la mise en scène qui s’apparente parfois à une chorégraphie.
“Avec Rodin, on n’a pas le choix car son oeuvre est en mouvement”, souligne-t-il, se disant “anxieux” avant la présentation cannoise. Le film sort en même temps mercredi dans les salles en France.
Un sentiment partagé par Vincent Lindon, malgré son récent prix cannois. “Je pars du principe que c’est à chaque fois nouveau, et que comme au poker, on refait tapis”, souligne l’acteur.
“Donc je retourne en compétition à Cannes, dans la sélection, et en voiture Simone! Et je suis très, très content”.