Au Japon, on coule de vieux jours heureux… au travail

Ils sont partout: à astiquer les bureaux, à surveiller la moindre parcelle en construction, à tenir les caisses des supermarchés. Les cheveux grisonnants, mais le pas alerte, des millions de vieux Japonais font durer le “plaisir” après l’âge de la retraite. Quatre jours par semaine depuis 20 ans, Teruo Sugiura, 86 ans, se rend dans un centre dédié au travail des seniors, où il répare des “shoji”, portes coulissantes traditionnelles. Le salaire n’est pas terrible, mais il n’en a cure.

Il apprécie aussi la compagnie des autres papies et mamies qui s’affairent dans ce lieu: certains travaillent le bois ou aiguisent des couteaux, d’autres repassent et cousent des vêtements.

Plus de 20% des Japonais âgés de plus de 65 ans s’escriment encore au labeur, une proportion inédite parmi les pays développés et certainement amenée à s’accroître avec le vieillissement de la population et la raréfaction de la main-d’œuvre.

Actuellement, un quart des habitants de l’archipel ont déjà soufflé leurs 65 bougies, ils seront près de 40% en 2060. Dans le même temps, la population active pourrait perdre plus de 27 millions de travailleurs si l’indice de fécondité (environ 1,4 enfant par femme) ne se redresse pas d’ici là, selon des projections officielles.

Autant dire que les seniors sont désormais incontournables et fortement incités à prolonger leur vie en entreprise.

Le gouvernement a ainsi décidé de porter progressivement l’âge officiel de départ à la retraite à 65 ans en 2025, contre 62 ans à partir d’avril.

Des entreprises ont pris de l’avance, comme Honda qui mettra en place cette nouvelle mesure dès cette année.

Dans le nord du Japon, une chaîne nationale de “konbini”, ces supérettes multiservices ouvertes 24H/24, a commencé à former des travailleurs d’âge mûr. Quant au géant électronique Ricoh, il fait régulièrement appel à des techniciens retraités pour installer des ordinateurs dans des entreprises, écoles et bureaux du gouvernement.

“Il y a une très forte pression du marché, le déclin drastique de la main-d’œuvre va profondément modifier le comportement des employeurs”, estime Atsushi Seike, professeur d’économie du travail et président de l’université Keio à Tokyo.

“Beaucoup veulent augmenter le nombre de salariés d’un certain âge, même dans les grandes firmes, et je pense que cette tendance va continuer, voire s’accélérer, dans le futur”.

On comprend aisément l’intérêt des patrons, mais pourquoi donc les employés acceptent-ils de trimer aussi longtemps, une hérésie dans de nombreux pays occidentaux ?

Pour beaucoup, travail rime avec santé – certains le font d’ailleurs bénévolement – mais c’est aussi la possibilité d’arrondir les fins de mois.

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04 mars 2016 - 13h35