Au Festival Lumière, Quentin Tarantino explore 1970 et la révolution hollywoodienne

“Depuis quatre ans, je suis plongé dedans jusqu’au cou”: Quentin Tarantino a évoqué, mercredi soir à Lyon, un abyssal travail de documentation qu’il a entrepris sur le cinéma de l’année 1970 et l’avènement du “nouvel Hollywood” sans savoir ce qu’il en tirera. Tout a commencé avec la lecture d’un livre de Mark Harris, “Picture at a Revolution”, où ce journaliste américain identifie 1967 comme l’année qui a vu s’enclencher le déclin du Hollywood traditionnel où les studios imposaient leur diktat. “Jusqu’à cette époque, les cinéastes américains devaient se couler dans le moule. Quand ils ont soudain eu accès à cette liberté de mouvement, ils se sont emparés des moyens d’expression déjà présents dans le cinéma mondial pour tourner autrement”, a expliqué le réalisateur de Pulp Fiction lors d’une masterclass donnée dans le cadre du Festival Lumière qui dure jusqu’à dimanche. “Depuis quatre ans, je regarde des copies de films, des DVD, je consulte des critiques de l’époque… Mon ambition, c’est d’avoir une approche d’historien ou de sociologue qui ne soit pas dans le jugement. Je ne classe pas les films”, a précisé le Prix Lumière 2013 devant les 2.000 spectateurs de l’Auditorium de Lyon, interrogé durant près de deux heures par Thierry Frémaux, le directeur du Festival Lumière. Tarantino dont les propres films s’inspirent de cette période charnière du cinéma américain, a également sélectionné 14 longs métrages de 1970 projetés durant le festival lyonnais, parmi lesquels “Zabriskie Point” de Michelangelo Antonioni, “M.A.S.H” de Robert Altman ou “L’oiseau au plumage de cristal” du réalisateur italien Dario Argento, pionnier du “Giallo”, genre mêlant polar, horreur et érotisme. “L’année 1970 est apparue comme un apogée où seul le +nouvel Hollywood+ subsistait”, a-t-il insisté, conscient que toutes les promesses d’alors n’ont pas été tenues, comme l’affirmation d’un cinéma “noir” – la “blackploitation” – ou d’un genre érotique respectable. Mais la révolution a bien eu lieu, dans les westerns en particulier qui “ont demandé à l’Amérique de revoir la description romantique qu’elle a faite de son passé”. “En d’autres termes: John Ford a payé pour ses péchés”, a résumé l’intarissable cinéphile au débit de mitraillette. “Tout ce que j’évoque ici est le résultat d’une étude approfondie mais aussi de la résurgence de mes souvenirs d’enfant”, a ajouté Quentin Tarantino, qui a élargi son champ d’étude aux films du monde entier tournés et/ou sortis en 1970, sans savoir encore ce qu’il adviendra de ses recherches.