Artiste "people" et peintre à scandale: retour sur Bernard Buffet à Paris

Artiste controversé, parfois ringardisé, le peintre français Bernard Buffet qui fut tout à la fois un créateur à succès, une star people et un peintre à scandale, fait l’objet d’une rétrospective au Musée d’Art moderne de la ville de Paris. Le MAM Paris, l’un des seuls musées publics à posséder une collection importante de son oeuvre, présente une sélection serrée dans sa production prolifique et suit le parcours de l’artiste à travers les grands thèmes de ses expositions annuelles: religion (“La Passion du Christ”), littérature (“L’Enfer de Dante”), allégorie (“Les oiseaux”).
La curiosité
“Bernard Buffet ? Connais pas”. Star de l’art contemporain dans les années 60, Buffet est quasi inconnu des jeunes générations. “Il est entouré d’un silence assourdissant, il n’a jamais fait l’objet d’une grande exposition à Paris”, fait valoir Dominique Gagneux, commissaire de l’exposition (ouverture vendredi, jusqu’au 26 février). Drôle de destin pour un artiste qui connut en son temps un immense succès public.
“Son nom est moins oublié que beaucoup d’autres et paradoxalement son oeuvre est mal connue”, souligne Fabrice Hergott, directeur du MAM Paris, qui parle de “célébrité méconnue”.
“Tout ce que j’espère, c’est que cette exposition tordra le cou aux idées reçues”, affirme la commissaire.

Bernard Buffet fut un prodige. A 16 ans, il est reçu au concours de l’Ecole des Beaux-Arts, grâce à une dérogation, et à 19 ans, “il est considéré comme l’égal de Picasso”, remarque Dominique Gagneux. Une des ses natures mortes, “le Coq mort”, est achetée par le Musée d’art moderne. A partir de février 1949 – il a vingt ans -, il peut présenter deux expositions personnelles par an, dédiées à un thème donné, dans des galeries parisiennes.
Grâce à sa rencontre avec Pierre Bergé, qui sera son compagnon pendant huit ans, il va devenir un mondain reçu dans les salons les plus huppés. En même temps, il sidère la critique en 1954 avec un immense triptyque “Les Horreurs de la guerre”.
En 1956, Paris-Match lui consacre un reportage qui marquera un tournant dans sa carrière : on le voit vivant luxueusement dans sa maison près de Paris. Son image en sera durablement altérée. Et les commentaires de certains critiques vont se durcir.
Malgré cela, la rétrospective “Cent tableaux” en 1958 remporte un succès public exceptionnel. Il épouse la même année Annabel Schwob, figure de Saint-Germain-des-Prés: ils forment alors l’un des couples les plus en vue du Tout-Paris.

“Son travail est à la fois attrayant et repoussant”, dit Fabrice Hergott. Buffet a trouvé son style très tôt: êtres longilignes, regard perdu. La composition est très structurée, le tableau quadrillé de lignes noires.
L’inspiration est sombre, les fenêtres ne donnent que sur le vide, les personnages ne se regardent jamais, les ciels de Provence ressemblent à ceux du “plat pays”. Au début règnent le gris, le beige. Même si la couleur va bientôt s’installer, parfois criarde, les toiles tiennent le spectateur à distance.
Buffet peint beaucoup et de tout. Devenu riche, il fait une série de portraits d’hommes politiques pour la couverture du magazine Spiegel. On le verra aussi faire des séries de toiles consacrées aux voitures de luxe et au cirque. Une de ses têtes de clowns a été diffusée à des millions d’exemplaires dans le monde.
Buffet ne cache pas ses références: Courbet, son peintre préféré, Manet, Degas, les natures mortes de Chardin (“La Raie”).
Il y a trente ans, beaucoup de conservateurs “avaient une petite case péjorative où l’on rangeait le nom de Bernard Buffet”, dit Fabrice Hergott. Aujourd’hui, avec le mouvement du retour à la peinture et celui de la “bad painting” (peinture inspirée de la rue, affiches, pochoirs, graffitis…), son oeuvre est perçue différemment.

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14 octobre 2016 - 10h30